Box-office France 2013: les tops et les flops

Quels ont été les gagnants et les perdants au box-office français de 2013 ? Gros plan sur une année dans les salles.

Le box-office français, en baisse de 5%, est en berne : pour la première fois en 5 ans, la barre des 200 millions d’entrées n'a pas été franchie. La faute à quoi ? Tout d’abord, à l’absence de locomotive. Le premier du box-office annuel, Moi, moche et méchant 2, culmine à 4.6 millions d’entrées. C’est un succès pour ce film, mais c’est un score très faible pour un leader. C’est simple, il faut remonter à 1992 (et Basic Instinct !) pour qu’un film qui finit premier du box-office annuel soit en dessous des 5 millions d’entrées.

L’autre manque a été français. L’année est terne en termes de parts de marché (seulement 33.3% contre 40.3% l'an passé). Derrière Les Profs, n°1 français de l’année avec 3.9 millions d’entrées (cocorico) et 5e du classement général, il faut descendre jusqu’à… la 18e place pour trouver un autre film français (Boule et Bill) ! Et on ne peut même pas parler de raz-de-marée puisque cette adaptation de BD super populaire, sortie pour les vacances scolaires, n’a même pas dépassé les 2 millions d’entrées. Le phénomène intéressant se trouve juste derrière, avec la doublette à succès 9 mois ferme/Les Garçons et Guillaume, à table ! (près de 2 millions chacun, toujours en exploitation). Là encore, deux comédies, mais d’un genre, d’un ton, d’une ambition différents du tout-venant à qui le public a dit non à longueur d’année. Citons Eyjafjallajökull, Les Gamins, 20 ans d’écart, Vive la France, Joséphine, Le Cœur des hommes 3, Fonzy, Turf ou Les Reines du ring, autant de films conçus pour secouer le box-office, autant de comédies ringardisées qui, au mieux, ont un peu déçu, ou au pire, ont été des flops. Comment ne pas le comprendre ? Pourquoi le public irait chercher au cinéma des films dont l'esthétique singe les sketchs de Scènes de ménage ? Pourquoi dépenser 10€ pour subir Marilou Berry sur un grand écran ?

La fin d’une certaine comédie à la française donc ? Quand on voit le niveau apocalyptique du leader de 2013, tout semble relatif. Mais ces échecs qui arrivent au moment où Dupontel et Gallienne s’illustrent signifient peut-être un changement des goûts du public. D’autres vieilles recettes, comme le retour du duo Klapisch/Duris avec Casse-tête chinois, ont fait des scores assez médiocres (1 million d’entrées en 3 semaines quand les précédents films flirtent avec les 3 millions d’entrées). Et un horizon au-delà de la comédie ? Seuls deux films français qui ne sont pas des comédies figurent (péniblement) dans le top 50 : Jappeloup, dont le succès est relativisé par le fait qu’il a coûté une fortune, et Möbius, un demi-échec. On est loin d’un modèle coréen où le cinéma populaire peut avoir différents visages.

Du côté des films américains, un message du public : nous voulons des suites. Moi, moche et méchant : 3 millions d’entrées, sa suite : 4.6 millions. Iron Man 2 : 2.6 millions, Iron Man 3 : 4.4 millions. Fast & Furious 5 : 2.5 millions, Fast & Furious 6 : 3 millions. La suite de Thor fait mieux que le premier, la suite de Hunger Games idem, et même entourés d’une très mauvaise rumeur, Les Schtroumpfs 2, Very Bad Trip 3 ou Die Hard, belle journée pour mourir ont réussi à se distinguer. Dans ce contexte, les films originaux passent pour des ovnis. Mais ils ont été plus nombreux à se glisser dans le top 10 que l’an passé : 4 cette année (Django Unchained, Gravity, Insaisissables et La Reine des neiges) contre… 0 l’an passé. On ne peut pas non plus parler d’énorme surprise, mais les accueils très chaleureux pour des projets pas si évidents comme les films de Tarantino et Cuaron donnent des raisons d’espérer.

Outre le leader Moi, moche et méchant 2 et La Reine des neiges, l’animation est encore une fois à la fête avec Les Croods, Les Schtroumpfs 2, Monstres Academy (une déception néanmoins pour Pixar) ou Hôtel Transylvanie. Plus surprenant, le 1.1 million d’entrées pour le film d’horreur Conjuring, une première pour le genre en France (généralement exploité sur peu de salles – d’ailleurs Conjuring, malgré son buzz, n’a pas eu un nombre de salles très important en première semaine) depuis… Sixième sens.

Et ailleurs ? C’est la soupe à la grimace (12.8% pour les films étrangers non-américains contre 17% en 2012). La raison ? Le nombre croissant de sorties qui segmente le marché, qui prive de salles les films à potentiel (tandis que ces mêmes salles sont obstruées par des films-world fadasses et des documentaires télévisuels), et qui limite l’exposition médiatique déjà réduite, pendant que les grosses sorties sont toujours exploitées dans autant de salles et avec autant de promotion. Tenez-vous bien : le premier film non-américain et non-français arrive… 69e. Et c’est Snowpiercer, Le Transperceneige de Bong Joon-Ho (650.000 entrées), un film tourné… en anglais. Derrière, Les Amants passagers de Pedro Almodovar confirme le déclin du réalisateur en France (2.3 millions pour Volver, 900.000 entrées pour Etreintes brisées, 750.000 entrées pour La Piel que habito, 540.000 pour Les Amants…).

Le vrai gros succès étranger de l’année est pour Wadjda qui a créé la surprise avec près de 500.000 entrées. Surprise relative car le cinéma du Moyen-Orient a la cote au box-office français. Même s’il s’agit cette fois d’une production française, Le Passé d’Asghar Farhadi confirme l’attraction du réalisateur après Une séparation (un million d’entrées pour les deux). Parmi les solides petits succès de l’année, citons l’Allemand Hannah Arendt (350.000 entrées), Le Japonais Albator (qui vient de démarrer à 343.000 entrées en une semaine), le Chilien No (300.000 entrées), le Belge Alabama Monroe (200.000 entrées), le Japonais Shokuzai 1 et 2 (150.000 entrées, ce qui confirme l'attrait de Kurosawa après Tokyo Sonata) ou l'Espagnol Blancanieves (150.000 entrées). On pourra bientôt inclure les sorties très récentes du Chinois A Touch of Sin (100.000 entrées en 3 semaines) et de l’Indien The Lunchbox (195.000 entrées sur la même période).