Berlinale 2016 : notre bilan !
Quels ont été les temps forts de cette Berlinale ? On vous dit tout dans notre bilan...
« La Berlinale a délivré un palmarès politique » : cette affirmation qui ressemble à un lieu commun est souvent réductrice vu la variété des films proposés lors du festival allemand. Difficile il est vrai de ne pas voir, en plus d'un choix de cinéma, un choix politique avec l'Ours d'or Fire at Sea de Gianfranco Rosi, aux prises avec l'actualité la plus sensible : l'arrivée des migrants sur l'île de Lampedusa et la façon dont celle-ci est est perçue par les habitants. Mais ne voir en ce palmarès (et cette sélection) que des choix politiques est aussi réducteur que de penser que politique = ce qui passe au journal télévisé. Si la Berlinale est politique, c'est de différentes manières et pas forcément pour sa définition de la plus « Amnesty International ».
La Berlinale est politique d'abord par sa diversité, avec cette idée simple : diversité signifie diversité de points de vue. Cette année, aucun pays n'a été représenté plus de 2 fois en compétition. C'est aussi en cela que la Berlinale constitue un bon complément à Cannes, où l'on ne semble pas avoir de problème avec une compétition « internationale » dans laquelle deux pays seulement peuvent truster plus de la moitié des places. La politique, c'est aussi la diversité des points de vue offerts sur les hommes et sur les femmes – on ne parle pas là seulement de films faits par les femmes. On est maintenant habitué tous les ans ou presque à voir de nombreux films racontant des personnages féminins différents et complexes – c'était le cas à nouveau cette année dans 24 Weeks, L'Avenir ou United States of Love pour ne citer qu'eux – qui tranchent avec ce que le cinéma peut produire habituellement. Pas juste un en forme de complément, mais plusieurs.
Politique, la Berlinale l'est aussi par sa confiance en la jeunesse. Si Cannes a un pouvoir d'attraction extraordinaire, ça n'est, sauf exception, pas dans la compétition qu'on fait beaucoup de découvertes. La Berlinale sert à propulser, et l'âge moyen des réalisateurs retenus (45 ans cette année) est un indicateur. En 2015, année qui passait pour une année de grand renouvellement à Cannes (ce qui déjà était discutable, vu que certains jeunes réalisateurs comme Lanthimos, Kurzel ou Joachim Trier semblaient en partie avoir été acceptés en compétition grâce à des films plus lisses et avec plus de stars à tapis rouge que leurs précédents, davantage que par une réelle volonté de défricher), la moyenne était de 48 ans, tandis qu'en 2014 elle était de 55 ans. A la Berlinale, ce choix de la jeunesse au détriment d'un système d'abonnés (pardon, de « grands réalisateurs qui font les grands films ») rend souvent la découverte plus excitante. Avec une compétition cannoise aussi cadenassée, pas sûr que des films forts de cette Berlinale comme le mélodrame mystique et poétique Crosscurrent de Yang Chao ou la fresque onirique A Lullaby to the Sorrowful Mystery de Lav Diaz aient pu trouver leur place.
Cette diversité s'est également retrouvée dans le cinéma documentaire. Ce qui pourrait passer pour plus directement politique, à l'image du choix de l'Ours d'or, l'a été de bien différentes manières et formes, qu'il s'agisse de Fire at Sea mais aussi Zero Days d'Alex Gibney ou dans les sections parallèles Homo Sapiens de Nikolaus Geyrhalter ou Ta'Ang de Wang Bing. Encore une fois, en plus de la compétition, l'éclectisme a été démultiplié dans les sections parallèles. Ceux qui reprochent à la Berlinale son manque d'audace ne voient tout simplement pas les bons films (ou ne voient pas les films du tout, comme un certain nombre de « bilans » écrits par des confrères venus seulement pour un tiers de festival). Parmi les découvertes marquantes de ces sections parallèles, citons le Chinois Life After Life, très surprenante chronique familiale fantastique produite par Jia Zhang-Ke, le Suédois 6A, miniature glaçante dans la veine des cinémas de Ruben Östlund et Anna Odell ou l'Allemand Deadweight, un étrange drame qui ne rentre pas dans les cases. Ces trois films auraient fait de bons lauréats du prix du meilleur premier long, à l'image du très bon gagnant, Hedi du Tunisien Mohamed Ben Attia dont on devrait beaucoup parler à sa sortie.
Du côté des cinéastes déjà plus connus en sections parallèles, Olivier Ducastel et Jacques Martineau signent leur meilleur film avec Théo et Hugo dans le même bateau, Ira Sachs brille à nouveau avec l'émouvant et subtil Little Men (tandis qu'hors compétition, Terence Davies s'est distingué avec le biopic d'Emily Dickinson, A Quiet Passion, mettant en scène une Cynthia Nixon extraordinaire). Ces sections parallèles ont été l'indispensable complément d'une compétition d'un bon niveau, dont le palmarès est globalement très bien vu... hormis les deux prix principaux. La rédaction ne s'est pas vraiment mise d'accord sur le cas de Gianfranco Rosi, dont le film est poignant mais problématique. Le loupé est surtout pour le Grand Prix attribué à Danis Tanovic, qui contribue à renforcer le malentendu sur ce réalisateur aussi épais que ringard. Des fausses notes pardonnées vu les autres bons choix du jury de Meryl Streep et des gestes artistiques forts qui ont constitué cette Berlinale.
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