Festival de Gérardmer 2012: 10 espoirs du cinéma fantastique

A l'occasion de la 19e édition du Festival de Gérardmer, dont la compétition laisse la part belle aux nouvelles têtes, FilmDeCulte fait le pari de l'avenir. 10 réalisateurs ayant œuvré dans le genre, qui ont signé leur premier long métrage ces dernières années ou dont la filmo demeure encore confidentielle, et qui nous ont suffisamment tapé dans l’œil pour en faire 10 espoirs du cinéma fantastique...

Sean Byrne (Australie, né en 1973)
Filmographie: The Loved Ones
Né en Tasmanie, Sean Byrne a tourné des courts-métrages pendant 10 ans avant de se décider à passer au long avec The Loved Ones. Byrne explique l'influence positive qu'a exercé son compatriote Greg McLean, dont l'excellent Wolf Creek a fait le tour du monde dès 2005 (notamment en passant par la Quinzaine des réalisateurs). The Loved Ones raconte l'histoire de Lola, jeune fille timide, qui demande au garçon de ses rêves de l'accompagner au bal de fin d'année du lycée. Il refuse poliment. Elle n'est pas contente. Byrne cite, parmi les inspirations pour son film, Carrie, Footloose ou encore les dessins animés de Walt Disney. L'horreur fun et bariolée de son premier essai très réussi, récompensé l'an passé à Gérardmer, ressemble en effet à ce surprenant mélange.
Son futur: Sean Byrne prépare le scénario de son prochain long, un film d'horreur psychologique.

Hélène Cattet (France, née en 1976) & Bruno Forzani (France, né en 1976)
Filmographie: Amer
Nés en France en 1976, vivant actuellement en Belgique, Hélène Cattet et Bruno Forzani ont signé, après quelques courts-métrages, un ovni déroutant avec Amer (lui aussi primé à Gérardmer, il y a 2 ans). Amer est un hommage au giallo sans en être un, et parvient à être hyper-référencé sans ressembler à rien de connu. La naissance du film n'est pas banale: l'idée est venue à Hélène Cattet en lisant Le Bal d'Irène Némirovsky, puis une envie de mixer ce dernier à des souvenirs d'un film de Masaru Konuma. Mélanger Némirovsky et le roi du pinku-eiga (ou roman-porno) japonais ne semble, vu de l'extérieur, pas évident. Voilà qui illustre bien la liberté barrée de leur premier long métrage.
Leur futur: Une participation à l'omnibus The ABC's of Death, une anthologie horrifique qui réunit autant de réalisateurs qu'il y a de lettres dans l'alphabet. A chaque lettre, un film et une façon de mourir...

Marco Dutra (Brésil, né en 1980) & Juliana Rojas (Brésil, née en 1981)
Filmographie: Travailler fatigue
Venus d'un pays pas spécialement réputé pour son cinéma fantastique (le Brésil), Marco Dutra et Juliana Rojas font partie des révélations du dernier Festival de Cannes. Leur premier long, Travailler fatigue, retenu à Un Certain Regard (un bel encouragement vu l'excellent niveau de la sélection ces dernières années), est un mélange inédit entre film social, comédie, et surnaturel. Là encore, du fantastique qui ne ressemble à rien de connu. Lors de notre bilan de fin d'année, Dutra a inclus Paranormal Activity 3 parmi ses films préférés de 2011, tandis que Rojas a plutôt cité Il était une fois en Anatolie. Ce qui donne une certaine idée du goût réjouissant pour le grand écart chez ce duo de jeunes réalisateurs.
Leur futur: Un long métrage "plus franchement horrifique" intitulé As Boas Maneiras (Les Bonnes manières). Le film racontera l'histoire d’une femme qui doit élever un enfant qui n’est pas le sien...

Jang Cheol-Soo (Corée du sud, né en 1974)
Filmographie: Bedevilled
Coup d'essai et coup de maître. Avec son premier long métrage, le Coréen Jang Cheol-Soo a été sélectionné à Cannes (Semaine de la Critique), a fait le tour du monde et a remporté le Grand Prix l'an passé au Festival de Gérardmer. Un plébiscite bien mérité pour un cinéma déjà très maîtrisé, alors que l'idée d'un film de vengeance sur un décor évoquant L'Ile nue de Kaneto Shindo avait quelque chose de dingo. De son mentor Kim Ki-Duk, dont il a été l'assistant sur Samaria, il a retenu une leçon: "faire en sorte que les spectateurs ne puissent pas détourner les yeux de l’écran". C'est réussi.
Son futur: Service for People, un nouveau long métrage qui sera à la recherche de financements cette semaine au Festival de Rotterdam.

Pascal Laugier (France, né en 1971)
Filmographie: Saint Ange, Martyrs
Nul n'est prophète en son pays: largement vilipendé lors de sa sortie en France, Martyrs jouit d'une formidable réputation à l'international. Si vous cherchez, sur le net, des listes des meilleurs films d'horreur des années 2000, le second long métrage du Français Pascal Laugier figure dans un très grand nombre de tops étrangers. A film extrême, réactions extrêmes. Mais ce n'est pas la volonté de pousser le bouchon le plus loin possible qui fait de Martyrs une grande promesse. Plutôt une totale liberté d'écriture (glissement de personnage principal, ruptures radicales de ton, mélange de genres) associée à une horreur graphique et hallucinée. Laugier, aux côtés de l'excellent Fabrice du Welz (qui prépare un thriller avec Joeystarr, Colt 45), fait partie des quelques vraies révélations de la nouvelle vague française/francophone de fantastique qui est apparue ces 10 dernières années.
Son futur: The Tall Man (The Secret en "français"), tourné outre-Atlantique avec Jessica Biel dans le rôle principal d'une mère à la recherche de son enfant disparu.

Lucky McKee (États-Unis, né en 1975)
Filmographie sélective: May, The Woods, The Woman
Presque un ancien dans cette liste d'espoirs. Mais le talent de McKee semble pour le moment bridé par une vraie guigne: May, un premier long faisant déjà preuve d'une forte personnalité (et présenté à Gérardmer), est à peine sorti, The Woods a été un bras de fer avec ses producteurs, tandis que The Woman a suscité des réactions houleuses parmi le public de Sundance. Mais aussi passionnées. L'horreur dérangeante et jusqu'au-boutiste de McKee est un poil à gratter dans un genre volontiers calibré, de suites en remakes. Sélectionné cette année à Gérardmer, The Woman sortira prochainement en vidéo en France, sans passer par la case cinéma.
Son futur: Pas de nouveau projet annoncé pour le moment.

André Ovredal (Norvège, né en 1973)
Filmographie sélective: Troll Hunter
Après avoir réalisé, sans faire trop de bruit, un premier long en 2000, le Norvégien André Ovredal s'est surtout fait connaître grâce à Troll Hunter. Pas vraiment en France où sa sortie a été sacrifiée l'été dernier, mais son long métrage a été l'une des grandes rumeurs en festivals l'an passé (notamment à Gérardmer). Une réputation méritée pour cet improbable found footage consacré à une chasse aux trolls dans les bois norvégiens. Ovredal possède deux qualités indispensables pour un grand réalisateur du genre: une absence totale de peur du ridicule (ce qui permet à la fois une foi totale dans le récit tout en racontant les choses les plus impossibles) et une habileté à jouer des ruptures de ton, du merveilleux à la comédie. Et avec des moyens relativement limités (3.5 millions de dollars), le cinéaste est parvenu à faire un film très spectaculaire.
Son futur: André Ovredal prépare actuellement plusieurs films fantastiques.

Carter Smith (États-Unis, né en 1971)
Filmographie: Les Ruines
En 2008, Les Ruines, petite série B horrifique très réussie, s'offre un joli succès en salles. Ce long métrage carré n'aurait pas suffi à lui seul pour figurer dans cette liste d'espoirs s'il n'y avait pas eu avant lui le court métrage Bugcrush, présenté à Cannes. Un excellent film piochant lui aussi dans l'horreur mais d'une façon assez différente des Ruines. Carter Smith, natif du Maine comme Stephen King, est assez rare à l'écran mais nous réserve peut-être de grandes surprises.
Son futur: Après un nouveau court métrage l'an passé (Yearbook), pas encore de long métrage prévu.

Ti West (États-Unis, né en 1980)
Filmographie sélective: The House of the Devil, The Innkeepers
Après des expériences malheureuses auprès des studios, Ti West a décidé de jouer solo et mini-productions pour une plus grande liberté sur ses œuvres. Révélé par The House of the Devil, présenté à Gérardmer il y a deux ans, West a enfoncé le clou avec le récent The Innkeepers. Deux récits simples, hyper archétypaux (une baby-sitter dans la maison du diable d'un côté, un hôtel hanté de l'autre), humbles et concis, aux dénouements déceptifs (plutôt axés sur l'ambiance inquiétante, les deux films ne cèdent pas au spectaculaire). Mais Ti West, indubitablement, sait écrire, sait mettre en scène, et sait intelligemment faire confiance au spectateur. Ses deux derniers films, longs métrages fantastiques sur le fantastique, sur l'invisible et la fascination qu'il exerce, font partie des joyaux du genre apparus ces dernières années.
Son futur: Également l'anthologie horrifique The ABC's of Death, une autre intitulée V/H/S, et un long métrage de SF cette fois, The Side Effect, avec Liv Tyler.

Ben Wheatley (Royaume-Uni, né en 1972)
Filmographie sélective: Kill List
Après avoir travaillé pour la télé puis signé Down Terrace, inédit chez nous, et qui n'a pas grand chose à voir avec le fantastique, le Britannique Ben Wheatley s'est révélé avec Kill List, dont une sortie en France serait prévue cet été. Son pitch: Jay, un ex-soldat devenu tueur à gages est pressé par son partenaire d’accepter une nouvelle mission. Le principe marabout-bout de ficelle de Kill List rend le film totalement imprévisible, très convaincant dans ses passages d'un genre à l'autre. Là encore une horreur comme on n'en voit pas ailleurs, et dans le paysage fantastique d'outre-Manche, rempli de vrais-faux espoirs (l'excellent The Descent semble un accident de parcours dans la filmo médiocre de Neil Marshall), Ben Wheatley, fin scénariste et solide metteur en scène, fait figure de grand espoir.
Son futur: Sightseers, son nouveau film, pourrait être visible dès cette année, mais serait une comédie.

par Nicolas Bardot