The Rose

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L'évocation de la vie tourmentée d'une chanteuse de rock à la fin des années soixante.

FLEUR SAUVAGE

The Rose devait être à l’origine un tout autre film : il s’appelait The Pearl, et il s’agissait d’un biopic fidèlement consacré à Janis Joplin. The Pearl faisait référence au surnom de la chanteuse qui est également le titre de son album posthume, sorti quelques mois seulement après sa disparition. Le projet a été proposé à Bette Midler, connue jusqu’ici comme chanteuse mais qui n’avait encore jamais joué au cinéma. De nombreuses modifications ont par la suite été apportées et The Pearl s’est largement éloignée de Joplin. Le film est devenu The Rose, surnom d’une chanteuse rock en tournée rattrapée par ses démons. Mark Rydell réalise ce film, alors qu’on a un temps évoqué à ce poste Ken Russell qui, peu de temps avant, a dirigé l’incroyable musical psychédélique Tommy. Rydell est épaulé par l’un des principaux directeurs de la photographie des années 70 en la personne de Vilmos Zsigmond.

Très vite, alors que le film était encore basé sur Joplin, Rydell a souhaité se concentrer sur un épisode de la vie de la star et ne voyait pas l’intérêt de raconter son histoire dès l’enfance. L’audace de The Rose est là : c’est un mélodrame extraordinaire, porté par un souffle renversant… et qui ne raconte pas tant de choses que cela, où l’émotion ne vient pas de rebondissements étourdissants. Il y a pourtant quelque chose qui brûle à l’écran : la caméra vive, l’image colorée et granuleuse de Zsigmond, et bien sûr la performance géniale de Midler qui y récolta une nomination à l’Oscar. L’actrice s’est préparée et donnée comme une folle pour incarner Mary Rose Foster, a pris des cours de gym pour donner corps aux prestations de celle qu’elle décrit comme une « créature violente ». Les nombreuses séquences de live sont bluffantes.

Rose vocifère à s’en briser la voix, Rose court, s’envole, picole comme JR et Sue Ellen réunis. C’est une héroïne extraordinaire portée par une actrice extraordinaire. Et c’est un film qui gagne encore plus à être vu aujourd’hui, qui délaisse les figures imposées du biopic mais raconte mieux le cœur du personnage que tout autre film plus conventionnel, qui ne cherche jamais à expliciter en divers flashbacks psychologisants le pourquoi du comment, et qui n’a pas besoin de rendre son personnage lisse et sympathique pour attirer les faveurs du public. The Rose, dans le cinéma américain mainstream d’aujourd’hui, n’existerait pas, et il y a fort à parier qu’on choisirait désormais une actrice correspondant davantage aux canons lambdas de beauté – et une jeune femme davantage épilée. L’authenticité de l’énergie rock de The Rose se situe également là, même si le tube du film, The Rose, est une ballade. Celle-ci, composée par Amanda McBroom, avait initialement été rejetée par les producteurs, avant d’être rattrapée par Paul Rothchild (superviseur musical du film mais aussi… producteur de Janis Joplin) et validée par Bette Midler, qui en plus de trouver son plus grand rôle trouve ici une de ses plus grandes chansons.