Perfect Blue

Perfect Blue
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Perfect Blue
Perfect Blue
Japon, 1997
De Satoshi Kon
Scénario : Sadayuki Murai
Musique : Masahiro Hikumi
Durée : 1h21

Mima est une kogaru au sein d'un groupe de pimpettes à tutus roses, et enchaîne les tubes portant sur l'amour à la plage, l'amour à la campagne ou l'amour à la montagne. Mais la vie du groupe la lasse, et il lui prend soudain l'envie de dire "sayonara" à sa carrière de chanteuse pour devenir comédienne...tout n'est pas si facile.

SI VOUS AVEZ MANQUE LE DEBUT...

Double levé de rideau au début de Perfect Blue: alors que Mima monte sur scène pour faire face à son public, le film concentre en quelques instants les thématiques développées par la suite. Multipliant les reflets, telle une eau claire au bleu parfait, Perfect Blue ressemble néanmoins plus à un fleuve tourmenté qu'à un sage ruisseau, grâce à une narration éclatée empruntant les dédales de la psyché d'une jeune fille sombrant dans la paranoïa et la schizophrénie. La mise en abyme, les ruptures de ton sont au coeur du labyrinthique film de Satoshi Kon. La première scène du film laisse croire que l'on assiste à un sentai dorothéesque, il ne s'agit que d'une représentation sur scène à l'insuccès flagrant. Puis l'entrée en scène de Mima avec ses partenaires du groupe Cham, quittant les coulisses plongées dans l'ombre pour la lumière blanche des projecteurs, un flash aveuglant interrompant net la chanson. Le titre Perfect Blue apparaît: la narration est assez chaotique. Première réelle rupture, nous quittons la scène pour rejoindre l'héroïne dans le métro.

Le déplacement dans ce mode de transport urbain fera office de leitmotiv dans le film, constitué de refrains visuels qui nourrissent l'onirisme distillé de bout en bout. Premier reflet de Mima dans la vitre du métro, première apparition d'un des motifs récurrents. Un montage alterné oppose alors les deux Mima, la kogaru en concert face à la jeune fille dans un supermarché. Le contraste est alors essentiellement sonore, d'une scène à la sono tonitruante à un magasin baigné dans une douce musique d'ascenseur. Deuxième rupture, avec la première scène de comédie. Mima a décidé de quitter son groupe afin de devenir comédienne. Les répétitions la montrent gémissante, s'entraînant à un rôle pour lequel elle devra souffrir. A cette violence suggérée répond celle, plus concrète, d'une rixe entre des jeunes délinquants et un fan des Cham lors du concert. Mima annonce qu'elle quitte le groupe, entame une chanson qui a des accents de conclusion, et rentre chez elle. Fin du film.

RONDS DANS L'EAU, TEMPÊTE SOUS UN CRÂNE

Ou presque. Peu d'éléments nouveaux seront apportés pendant l'heure restante, chacun des motifs récurrents ayant été mis en place. Il s'agit maintenant de les développer, le film jouant sur les mises en abyme, les fausses pistes et les reflets qu'il reste à construire. La scène suivante s'y attelle: nouvelle fausse piste avec le fax, suivi d'un zoom arrière laissant croire à la présence d'un intrus, apparition du thème du voyeurisme, puis Mima qui demande "Qui êtes-vous?". Nous ne sommes plus dans son appartement, mais sur un plateau de série télévisée. La perte des repères est le moyen choisi par Satoshi Kon pour faire état du malaise qui s'empare de son héroïne, exprimant ainsi la folie et la schizophrénie qui la gagne. Perfect Blue s'éloignera peu à peu du réalisme, le point d'orgue onirique du film étant la poursuite aérienne dans Tokyo de Mima et de son "double", magnifié par l'enivrante musique jouant sur les boucles sonores désaccordées. Kon réalise un film qui serait une sorte d'équivalent de ce que pourrait mettre en scène un enfant d'Hitchcock et de De Palma (et l'un se nourrissant de l'autre, la filiation reste cohérente).

Une héroïne malmenée, des effluves de violence, un érotisme diffus, une touche de schizophrénie, de paranoïa et de voyeurisme, l'héritage est digéré et mis en image avec nerf (1h20, pas un bout de gras). Perfect Blue, c'est l'art d'exploiter à fond les possibilités offertes par l'animation, permettant ici de signer un film d'une maîtrise sans faille. Du même Satoshi Kon, on attend toujours Millennium Actress, sorti au Japon la rentrée dernière et présenté ça et là lors de festivals. Un nouveau film culte?

par Nicolas Bardot

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