Freak Orlando
Allemagne, 1981
De Ulrike Ottinger
Scénario : Ulrike Ottinger
Avec : Delphine Seyrig
Durée : 2h06
Un personnage excentrique, ne subissant ni la loi du temps ni celle de l’éphémère, réalise le vieux rêve de l’androgyne en parcourant le monde, de sa création à aujourd’hui, changeant de sexe et d’époque. Au gré de son odyssée, il réalise que la peur, la cruauté et la folie humaine sont intemporelles et universelles.
FREAK SHOW
L’œuvre de la cinéaste allemande Ulrike Ottinger est rare sur les écrans et la diffusion de Freak Orlando dans le cadre de l’Étrange Festival est un petit événement. Ottinger, qui est également peintre et photographe, s'inspire librement du chef d’œuvre de Virginia Woolf pour signer une "histoire du monde" tout comme un film sur l'identité féminine. Le héros/héroïne du livre de Woolf était un noble anglais qui devenait une femme de lettre ou une bohémienne. Un point de départ idéal pour ce manifeste queer, succession de tableaux renvoyant dans les cordes toutes conventions liées au sexe et toutes conventions liées à quoi que ce soit.
Cousine allemande de Jodorowsky et d'Artaud, Ulrike Ottinger laisse, et c'est peu dire, libre cours à son imagination. Freak Orlando est totalement débridé, dès son apparition de Delphine Seyrig coiffée comme la fiancée de Frankenstein. On y croise des cochons décorés d'ex-voto, des poules à tête de bébé ou des nains dalmatiens, une kyrielle de Lady Gaga en costume d'Intervilles et des Cocogirls, ou un Jésus à robe de Barbie Cristal qui est en fait une cantatrice barbue. Ce n'est pas la seule inversion sexuelle d'un film qui en regorge: les femmes portent barbes et pénis, les hommes se trifouillent la barbichette dans des robes du soir. Les costumes s'échangent dans ce grand carnaval comme les codes, les identités, les sexes et ce qu'on y rattache.
Il y a certainement quelque chose d'épuisant dans ces 2 heures de dinguerie acharnée et de glorieuse mascarade. Mais il y a aussi l'essence même de l'ovni, du film venu d'ailleurs avec ses propres règles, qui donne l'impression de feuilleter le cahier de coloriage d'Armande Altaï ou de vivre la vie intérieure de Nina Hagen. Féministe, punk, révolutionnaire, poétique et totalement barré. A t-on besoin de préciser qu'on parle là d'un film parfaitement culte ?