Bomba Star
Philippines, 1980
De Joey Gosiengfiao
Scénario : Toto Belano
Avec : Marissa Delgado, Alma Moreno, Celia Rodriguez
Photo : Peping Austria
Musique : Lutgardo Labad
Durée : 1h42
La jolie Estellia, fan absolue de la célèbre Stella Fuego, rêve de devenir une star elle aussi. Quand elle est repérée par le photographe Joey, sa carrière commence…
GIRLS WANNA BE HER
Dans la grande lignée de productions bis et folles venues des Philippines dans les années 70 et 80, peuplées de James Bond nains et de nonnes fatales, Bomba Star de Joey Gosiengfiao fait figure de reine mère timbrée. Gosiengfiao dresse le portrait d'une gaminette qui rêve d'être l'égale de son idole superstar de l'écran. Il raconte l'ascension de l'une, la déchéance de l'autre, tout ça sous l'œil de la mère de l'héroïne, ex-future star écartée des sentiers de la gloire. Et Bomba Star de devenir l'improbable rencontre (on pèse chaque syllabe) entre les splendeurs de Eve et les sparkling catfights de Dynastie, rencontre qui tel un membre des 2 Unlimited ne connaitrait aucune limite. Aucune. Pour s'en convaincre, il suffit d'apprécier l'apparition de la mégastar Stella, dans une église où des bonnes sœurs psalmodient un air des ténèbres mais pourtant pieux entre le Ave Satani de La Malédiction et la chanson d'Inferno, qui convoque les souvenirs de Dalida déboulant chez Guy Lux déguisée en Reine de Saba. Et vous n'avez encore rien vu.
Car l'un des immenses plaisirs de Bomba Star est celui d'un effréné too much, d'une machine qui ne sait pas s'arrêter aux feux rouges du bon goût. Tant mieux. Car avec un souci psychologique aussi peu marqué que dans un épisode de Jem et les Hologrammes, Bomba Star permet d'enfiler des perles comme cette scène où la jeune héroïne se fait foutre à poil de force par sa furie de mère, se sauve dans la rue à moitié nue pour finir dans une rivière de boue, une autre où la mère folle montre son intimité aux passants avides de porno, ou encore ce passage ubuesque où deux héros moustachus s'entrainent dans une salle de muscu peuplée de stripteaseurs huilés qui soulèvent leurs poids en mini slips moulants.
Mais derrière cette avalanche de kitsch, Bomba Star porte en lui un amour véritable du cinéma, dévorant et aliénant. Le modèle de la star n'est même pas taillé sur des mesures hollywoodiennes, c'est plutôt un modèle religieux que peint Gosiengfiao, voir cette apparition de déesse quasi nue dans son palais blanc (enfin, palais, un bâtiment en ruines sur lequel on a déposé deux bâches transparentes, mais la magie et la foi du cinéma opèrent), divine épiphanie dans ce choc des titans. Logique alors que tout ceci s'achève dans un cinéma, théâtre des passions et furies, dans un dénouement qui fait un virage à 180° (mais on n'en attendait pas moins) et se situe quelque part entre la fin vengeresse de Carrie et le retournement de bateau de L'Aventure du Poséidon. Luxe, love, sexe, popularité, cache-tétons à strass. Être star n'est pas si facile.