Un monde parfait selon Ghibli (Alexandre Mathis)

Un monde parfait selon Ghibli (Alexandre Mathis)

Un monde parfait selon Ghibli aux éditions Playlist Society est un ouvrage de référence. Que vous soyez fan de la première heure du célèbre studio ou spectateur occasionnel, que vous préfériez les films réalisés par Hayao Miyazaki ou ceux du regretté Isao Takahata, diparu le 5 avril 2018, ou que vous aimiez tout simplement le cinéma et l'analyse des films.

En effet, cet essai est une mine d'informations non seulement sur la création du studio Ghibli et son mode de fonctionnement mais il offre également une fine analyse des différents thèmes parcourant l'ensemble de la filmographie et ainsi définit le monde parfait créé par ses fondateurs. Car la force et la faiblesse du studio Ghibli réside dans la nature même de ce monde créé par les deux réalisateurs principaux du studio, Hayao Miyazaki et Isao Takahata ; cette esthétique Ghibli, ce style d'une richesse visuelle reconnaissable au premier coup d'oeil qui leur est si proche qu'elle est quasi une extension de leur personne ce qui rend si difficile le passage de relais. Ainsi quand Hayao Miyazaki dit qu'il a choisi le nom Ghibli par hasard après l'avoir lu sur un avion mais que l'on réalise l'importance de l'élément aérien et des avions dans sa filmographie, on s'aperçoit vite que ce n'est pas "juste un nom" et que rien n'est vraiment le fait du hasard mais plus le résultat d'actions plus ou moins conscientes comme quand il a déclaré ne jamais avoir pris pour modèle Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll sinon de manière inconsciente alors que les nombreuse similitudes mentionnées dans l'essai ne peuvent que troubler.

Ce monde parfait est peuplé de personnages féminins qui tiennent un rôle important dans les histoires contées, d'héroïnes indépendantes qui n'ont pas besoin d'un homme pour accomplir leur destin. Peu importe si cela provoque un anachronisme ou des situations jugées impossibles dans lesquelles les femmes réalisent des tâches réservées aux hommes. Les faits et l'Histoire sont des références du monde réel et non du monde parfait du studio Ghibli. Les autres figures féminines sont plus traditionnelles mais participent aussi au développement de l'action et surtout participent à la création d'un cadre dans lequel il sera possible de s'émanciper et trouver sa place dans le monde. Une base primordiale pour les enfants ne sont pas en reste et amènent même de la magie grâce à leur pureté, et leur innoncence, ce qui ne les mets cependant pas à l'abri de la cruauté du monde. En effet, la réalité n'est jamais loin, soit au centre de l'histoire chez Isao Takahata, soit en touches ponctuelles chez Hayao Miyakazi qui lui préfère le fantastique comme toile principale. Ici un rêve vient adoucir un quotidien mal vécu, là c'est la magie qui est soupoudré d'épisodes de vie quotidienne afin de permettre une identification, de la compassion. Car la violence et des scènes parfois très dures sont adoucies par le prisme de l'animation. La guerre frappe aveuglément et les victimes sont les femmes, hommes, enfants ou encore le monde qui les entoure. Si la forme de l'animation adoucit, elle n'épargne pas pour autant et rien ni personne n'est à l'abri de l'évolution du genre humain, de ce désir de grandeur, de consommer toujours plus, sans réfléxion à terme, comme si demain n'allait pas porter les conséquences des abus sans conscience présents. Dans le monde parfait la nature reprend ses droits et l'humanité, qui a échappé de peu à la catastrophe, la prend désormais en compte dans l'équation...à moins que tout ceci ne soit qu'un rêve.

La lecture de Un monde parfait selon Ghibli offre un éclairage fascinant sur le studio Ghibli et les long-métrages réalisés, et cette analyse impose également une forte résonnance sur la société actuelle, le féminisme, la surconsommation, les problèmes écologiques. L'essai terminé, l'optimisme ne prime pas concernant la question de la survie du studio Ghibli tel que nous le connaissons actuellement. Mais peut-être faut-il s'éloigner de ce cadre parfait pour enfin permette cette émancipation pronée au fil des années ?

4ème de couverture : C'était d'abord un choix pratique : personne ne voulait produire leurs films. Alors Hayao Miyazaki et Isao Takahata, aidés de Toshio Suzuki, ont fondé ensemble le studio Ghibli. Depuis, ils ont enchaîné les succès, de Princesse Mononoké à Pompoko du Tombeau des lucioles au Voyage de Chihiro. Leurs personnages comme Totoro et Porco Rosso, sont devenus emblématiques, et les oeuvres du studio ont marqué des générations entières de fans à travers le monde, comme si Ghibli était un équivalent japonais de Disney.

Bien plus qu'une marque et au-delà d'une simple usine à rêves, Ghibli offre avant tout une vision d'un monde idéal, fondé sur l'écologie, le féminisme, l'ingéniérie et les croyances magiques. Un monde parfait selon Ghibli explore les histoires créées par le studio, les décortique, en les mettant en perspective avec la carrière de leurs créateurs, avec en toile de fond une question lancinante : Ghibli survivra-t-il à la retraite de ses fondateurs ?

par Carine Filloux

Commentaires

Partenaires