Orgueil et préjugés

Orgueil et préjugés

Mrs. Bennet n'a qu'une idée en tête: trouver un bon mari pour chacune de ses cinq filles. Elle croit pouvoir marier son aînée quand arrive le beau Mr. Bingley, mais son ami Mr. Darcy semble le convaincre de ne pas se lier avec la belle Jane à cause de la modestie de la famille. Elizabeth, la seconde des Bennet, va remonter bien haut son orgueil pour faire ravaler à Darcy ses préjugés - et récriproquement.

LES PETITES FILLES MODÈLES

Au XVIIIe siècle, les jeunes filles se doivent d'être accomplies, c'est-à-dire maîtriser le mieux possible le dessin, la couture, le chant, ainsi que l'art de recevoir, de préparer sa toilette avec goût et surtout les bonnes manières. Tout ceci dans un seul et unique but: trouver le mari le plus riche possible. Le fait qu'il soit beau garçon et aimable est en bonus. A l'époque, les filles sont en effet les filles de leur père et deviennent ensuite les femmes de leurs maris. Ainsi, à la mort de leur père, seuls les revenus de leur mari peuvent leur permettre de vivre voire survivre, et aussi le cas échéant de subvenir aux besoins de leur mère. Les successions ne se faisant que de père en fils, ou plutôt de mâle en mâle, les filles ne peuvent hériter des biens de leur père, particulièrement la maison de la famille, celle-ci revenant alors au membre de la famille de sexe masculin le plus proche. Jane Austen la féministe joue avec ces traditions pas encore dépassées pour mieux les dénoncer, et impose aux cinq sœurs Bennet un cousin lourdaud et dévot en guise d'héritier de la maison de leur père. Dans un souci de générosité, Mr. Collins le malvenu proposera même à Lizzie de l'épouser, afin qu'elle conserve en quelque sorte la maison. Las, celle-ci n'a en tête que le bel officier Wickham, trop beau pour être honnête, mais aussi le malpoli Mr. Darcy, trop timide pour être agréable.

UN JOUR MON PRINCE VIENDRA

Page après page, passant des états d'âme d'un personnage à un autre, Jane Austen - qui elle-même annulera la seule proposition de mariage qu'on lui ait jamais faite, après l'avoir d'abord acceptée, et mourra vieille fille - construit une véritable comédie romantique. Tout est là: sentiments contrariés, conflits d'intérêt, ingérence des familles, jalousie… Usant encore et encore de figures de style (en particulier la litote, politesse victorienne oblige), les personnages tissent la toile de leurs sentiments en essayant à la fois de rester raisonnables et d'éviter les obstacles. Là deux sœurs vaniteuses dont la perfidie n'a d'égal que la condescendance, là un homme aveuglé par ses préjugés submergé par l'amour qu'il n'attendait pas, là encore une vieille Lady tentant d'asseoir son pouvoir. La lutte des classes est au centre du roman: les aristocrates veulent bien faire une place aux nouveaux riches, comprendre ceux qui ont fait leur fortune par leur métier, à la sueur de leur front, mais sûrement pas à la petite bourgeoisie, qui a certes encore de quoi se payer des domestiques, mais qui ne peut compter que sur des mariages avantageux pour assurer l'avenir de ses enfants. Chacun est obsédé par les revenus de l'autre, et les montants circulent dans les conversations, préservant ainsi la noblesse de mélanges non souhaités. Heureusement Jane Austen saupoudre tout cela d'autant de sérieux que de légèreté, et Elizabeth finira par succomber aux avances enfin dévoilées du beau - et très riche - Darcy.

par Marlène Weil-Masson

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