Manifeste du cinéaste de Frédéric Sojcher

Réalisateur de trois longs métrages (dont HH, Hitler à Hollywood sorti cette année), Frédéric Sojcher est également l'auteur de quelques ouvrages consacrés au cinéma. Parmi ceux-ci, Manifeste du cinéaste, un passionnant essai consacré à la mise en scène, la production, la critique et la cinéphilie. Sa nouvelle édition nous donne l'occasion de nous pencher sur ce livre indispensable.

Qu'est-ce qu'un cinéaste? Comment produire, aujourd'hui? Quel rôle joué par la télévision? Quelle place pour la critique? L'ouvrage de Frédéric Sojcher pose de nombreuses questions tout en restant pragmatique, précis et sans verbiage, du didactisme dans sa meilleure forme. Découpé en différents chapitres thématiques (Choix de mise en scène, La direction d'acteur, Les lois de l'art et de l'argent, La télévision, qu'a t-elle à faire des cinéastes?, Internet, le numérique et les films, Quel cinéma pour quels spectateurs?, entre autres), Manifeste du cinéaste met en relation la solitude intrinsèque du cinéaste et les mille ponts lancés vers une équipe, la production, le public. Le livre est avant tout ludique. Sojcher n'est pas avare en anecdotes et citations de grands cinéastes, de Dreyer ("La distance entre théâtre et cinéma est donnée par la différence entre représenter et être") à Polanski ("La réussite d'un film dépend de tout ce qu'on n'a pas cédé"). Celles-ci éclairent les thématiques de ce manifeste, des écritures (écriture du scénario, écriture de la mise en scène) à la réception d'un film.

En ce qui concerne la réception du film, Sojcher décrit la critique comme un "contre-pouvoir essentiel au règne du marché", évoque la complaisance d'une critique qui n'est ici ou là plus que publicitaire. Les lois du marché sont observées, disséquées, contredites, car le but ici est que le film reste l'œuvre de son auteur malgré les chausse-trapes de ce champ de bataille. Sojcher évoque la place de la télévision dans le système de production, la médiocratie érigée par la multiplication des chaines, le film réduit à un programme d'appel à ressources publicitaires, le flou entre difficultés de financement et censure économique. Autant d'interrogations, d'espoirs, de révoltes aboutissant à dix propositions qui scellent cet enthousiasmant Manifeste du cinéaste. "Le combat continue!"