Ma sorcière bien-aimée

Ma sorcière bien-aimée

Samantha Stephens est une mère au foyer modèle: elle s'occupe de sa maison et de sa fille Tabatha pendant que son mari Jean-Pierre est à son bureau. Elle reçoit aussi à l'occasion la visite de sa mère, Endora, ou d'autres membres de sa famille... Une vie banale, si ce n'est que Samantha est une sorcière…

DESPERATE HOUSEWIFE

Si Samantha Stephens vivait dans les années 2000, elle boirait, ruinerait son mari dans les boutiques de luxe ou aurait un amant. Mais en 1964, le seul vice que l'on peut octroyer à une femme au foyer, c'est la sorcellerie, surtout en cette période post-maccarthyste. La série se trouve à la charnière de deux époques: JFK a été assassiné, les illusions américaines sont mortes, la révolte gronde. Ainsi, elle cumule les paradoxes: sous des dehors austères et rigides comme Jean-Pierre (Darrin en VO), elle aime aussi la couleur et la désinvolture, comme Endora. Samantha est le parfait mélange des deux: sous ses dessous de femme au foyer modèle, préparant un succulent repas à l'improviste quand son mari ramène son patron à dîner, elle est facétieuse et utilise la magie pour résoudre tous les petits tracas de la vie quotidienne, alors que son mari réprouve son usage. Le couple Jean-Pierre / Samantha est lui-même l'incarnation du choc des générations: le premier représente la génération patriarcale et conservatrice (rien ne doit bouger, surtout pas le nez de sa femme), la seconde est déjà tournée vers le futur: robes courtes, tenues de nuit affriolantes, parents divorcés, indépendance (non pas grâce à son travail mais à ses pouvoirs sorciers)… Les seconds rôles ne sont pas en reste: d'un côté il y a Alfred, le patron de Jean-Pierre, et les voisins les Kravitz, dont la femme espionne sans cesse Samantha, cherchant à prouver que des choses bizarres arrivent dans le quartier. De l'autre il y a la famille de Samantha: sa mère Endora bien sûr, qui déteste son humain de gendre et vice-versa, son père qui passe à l'occasion, son oncle Arthur, sa tante gaffeuse Agatha, et surtout sa cousine Serena.

CLONE WARS

Celle-ci est jouée, comme Samantha, par Elizabeth Montgomery. Mais autant Samantha la douce est blonde, maligne et discrète, autant Serena est brune, extravagante et au look hippie. Le Yin et le Yang, le Ça et le Surmoi d'une même personne, permettant de faire passer certaines idées aux spectateurs sans trop les choquer. Forcément, si Serena fait une bêtise, c'est plus simple que si c'était Samantha qui, elle, est toujours là pour réparer les dégâts. Jean-Pierre aussi est à double tranchant: sous ses airs pépères, il travaille dans la publicité, c'est un créatif! Et non seulement il a consciemment épousé une sorcière, mais en plus il est obligé de la protéger et de camoufler comme il peut les dommages collatéraux des différents sorts jetés par sa belle-famille voire par sa propre fille. Endora, quant à elle, si elle est une puissante sorcière aux tenues excentriques, appréciant de jouer aux cartes avec des célébrités décédées (la série fera défiler entre autres Lincoln, Freud, Napoléon…), n'en reste pas moins une mère protectrice, une belle-mère stéréotypée (elle s'amuse à lancer des sorts à Jean-Pierre) et une grand-mère gâteau pour Tabatha puis Adam. En effet, la série étant à l'antenne de 1964 à 1972, la famille Stephens se doit d'évoluer: de noir et blanc, elle passe à la couleur dès la troisième saison. De même, la petite Tabatha (qui deviendra Tabitha) arrivera au bout de deux ans, puis Adam viendra agrandir la famille pour les deux dernières années. Elle-même changera de visage car le premier interprète de Jean-Pierre, Dick York, souffrant gravement du dos, sera remplacé en 1969 par Dick Sargent. Multirediffusée, même en France, depuis plus de trente ans, la série est devenue aussi culte que le nez de Samantha qui, si elle restera éternellement attachée au souvenir d'Elizabeth Montgomery, revient à la vie en 2005 sur grand écran grâce à Nicole Kidman.

par Marlène Weil-Masson

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