Le monstre du Loch Ness

Le monstre du Loch Ness

La sortie du sympathique mais peu fondé Incident au Loch Ness de Zak Penn est une bonne excuse pour revenir sur ce qui est sans doute le mythe crypto zoologique du XXe siècle : le monstre du Loch Ness. Signalée depuis des centaines d’années, cette créature mythique a connu divers sort selon les époques et les preuves rapportées. Retour en arrière sur un phénomène plus trouble qu’on ne le croit.

LEVIATHAN

A l’instar des autres lochs et loughs d’Irlande et d’Ecosse, ce grand plan d’eau est depuis des siècles au centre de légendes rapportant l’existence de grandes créatures aquatiques. Si l’accession à la célébrité du "monstre" date de 1933, il faut pourtant remonter jusqu’en l’an 565 pour trouver sa première apparition dans le récit des aventures de Saint Colomban, l’évangélisateur de l’Ecosse qui aurait affronté et fait fuir un monstre dans le Loch. Flash-forward quatorze siècles plus tard : des témoignages d’habitants se mettent à surgir du jour au lendemain dans la presse. Elles décrivent une créature au long cou qui surgirait brièvement des eaux. Certains évoquent une ou plusieurs bosses semblables à un canot retourné et d’autres parlent même d’avoir vu une créature sur la terre ferme. C’est le cas notamment du couple Spicer qui, à la lumière de ses phares, voit une masse grisâtre dans la largeur de la route descendre vers les rives du loch, ainsi que d’Arthur Wilson qui raconte avoir vu la même chose sur sa moto en rentrant chez lui de nuit. Un dénommé Hugh Gray parvient même à prendre la première photo du monstre (ci-contre). La presse de Londres s’empare aussitôt de l’affaire et dépêche un chasseur de fauves nommé Marmaduke Wetherell pour dénicher le monstre. Celui-ci se couvre de ridicule en s’extasiant sur une trace laissée par un pied d’hippopotame empaillé et, pour se venger, créé de toutes pièces la fameuse photo dite « du chirurgien » qui fera le tour du monde et achèvera de populariser le monstre. C’est un des complices de Wetherell qui avouera la supercherie avant de mourir en 1994.

STIR OF ECHOES

Mais ce canular ne suffit pas pour discréditer les partisans du monstre. Si la Seconde Guerre mondiale tempère quelque peu l’engouement pour la supposée créature au sein de la presse à sensations, des scientifiques plus ou moins réputés continuent d’étudier ce mystère crypto zoologique : c’est le cas notamment de Rupert Gould, du très sérieux Bernard Heuvelmans (qui a consacré sa vie aux animaux non découverts) ou du respectable Maurice Burton, qui changera plusieurs fois d’opinion sur l’existence de la créature. Mais c’est un amateur, Tim Dinsdale, qui, le 23 avril 1960, réussira à filmer une forme naviguant à travers le Loch. Ce document fut analysé par le JARIC, un organisme de renseignement de la Royal Air Force, dont les experts conclurent qu’il montrait un objet "probablement vivant". Dinsdale, lui, lâche sa carrière d’ingénieur pour consacrer les 27 années qu’il lui restait à vivre à la recherche de la créature. En 1972, le scientifique Robert Rines s’arme d’un sonar reliés à des appareils photos sous-marin et, le 8 août, parvient à immortaliser une forme étrange qui évoque une nageoire. Si Rines et son équipe sont au-delà de tout soupçon, ce cliché sème encore aujourd’hui la controverse : certains n’y voient rien d’autre qu’un tronc d’arbre décomposé (voir ci-dessous).

WATER KELPIE

Malgré de jolis coups comme celui-ci, les nouvelles du Loch restent dominées par des clichés manifestement truqués ou bien montrant simplement des vagues à l’horizon. La révélation du canular de Marmaduke Wetherell en 1994 a pour beaucoup contribué à la relative éclipse du phénomène ces dernières années (le fait qu’il soit impossible de trouver un seul site internet sérieux et dense sur la créature est assez révélateur). Mais avant de rejeter d’un bloc la légende, il faut revenir sur ses origines : la présence de créatures lacustres dans cette région a été signalée bien avant l’avènement du Daily Mirror. Le "water kelpie", ou “water horse”, peu importe son surnom, semble avoir existé depuis des siècles. Il est intéressant de noter également que la floraison de témoignages de 1933 correspond à la construction de la route qui longe la rive sud du Loch. Certains pensent que la dynamite utilisée a forcé les créatures à remonter plus souvent à la surface. Il faut savoir également que le Loch est un plan d’eau aux proportions gigantesques : profond de 300 mètres, long de plus de 38km et parfois large de plus de 2km. Sa population marine est suffisante pour sustenter une petite famille de monstres éventuels. Si la relative rareté des témoignages, même à ce jour, joue en défaveur de la créature, la cohérence des objets décrits est, elle, assez frappante. Malgré tous les efforts déployés par Zak Penn et Werner Herzog, le mystère a encore de beaux jours devant lui…

par Yannick Vély

Partenaires