Du krump dans les clips

Du krump dans les clips

Il y a désormais dans l’univers de la danse de rue un nouveau style, le krump. Objet du premier long métrage de David Lachapelle, le documentaire Rize, ce nouveau courant s’immisce peu à peu dans l’univers du clip, remplaçant en petites touches explosives les habituelles séquences de hip-hop, break-dance, funk... Tour d’horizon…

DOUBLEGANGER

Le krump captive, attire inévitablement l’œil du spectateur, intrigue. Il se dégage de la rapidité et l’énergie avec laquelle les danseurs exécutent leurs mouvements une sorte de magie envoûtante. Des mouvements qui se révèlent être d’une richesse et d’une inventivité incroyables. Maquillés de paillettes et de grands aplats de couleurs, il n’est alors pas étonnant que le milieu du clip se soit intéressé à ces nouvelles coqueluches de la danse de rue. Cependant, si l’on examine son fonctionnement de plus prêt, le krump se révèle être un style à double tranchant. Basé exclusivement sur le mode de l’improvisation, les chorégraphies qu’il propose ne peuvent être bien calées ou définies comme le sont souvent celles de hip-hop ou funk que l’on voit généralement dans les clips. En le structurant, en essayant de l’inclure dans des danses de groupe, le krump perd de son étincelle, ne gardant de ses influences que les ondulations de bassin issues de la strip-dance. Quatre groupes / chanteurs seulement ont relevé le défi d’utiliser cette nouvelle danse dans leurs clips: Skinny Puppy (Pro-test), Chemical Brothers (Galvanize), Black Eyed Peas (Hey Mama) et Missy Elliott (I’m Really Hot). Quatre œuvres qui révèlent deux approches différentes dans la façon de mettre en scène le krump: il est soit filmé ouvertement, mis en avant comme le noyau du clip, soit fondu dans la masse des dandinements qui accompagnent les chanteurs, ne servant que de décor.

MY KRUMP IS RICH

Le plus efficace de ces quatre clips: Pro-Test de Skinny Puppy, sans conteste celui qui a nécessité le moins de budget. Deux caméras 16mm, une tripotée de danseurs de break-dance talentueux, un décor urbain lambda et certainement aucune autorisation de tournage suffisent pour insuffler une énergie étonnante à une vidéo au concept pourtant léger. Basé sur le principe de battles cher au différents courants de danse de rue, le clip met en scène de la danse brute, impressionnante, filmée et montée au cordeau, sans se soucier d’éventuelles fautes de raccord. Le tout pour un climax krumpien de quelques dizaines de secondes jouant parfaitement avec la force métallique de la chanson. Dotées de budgets autrement plus conséquents, les trois autres vidéos font figure d’objets plus calibrés dans le ciel du vidéo-clip. Cependant, le plus récent, Push the Button des Chemical Brothers, featuring Q-Tip de A Tribe Called Quest, garde une approche assez intéressante de la mouvance krump. Jouant dans les premières séquences avec un noir et blanc classe, froid et citadin, mettant en scène de jeunes krumpers se préparant, le clip donne par contraste dans les parties de danse, des couleurs vives, chaudes et une image secouée par des effets numériques. Le clip se scinde également en deux dans le montage, l’un classique et posé quand l’autre devient nerveux et puissant, presque agressif, à l’image du krump qu’il montre à cet instant.

SECOND PLAN

Troisième incursion, le Hey Mama des Black Eyed Peas réserve quelques agréables moments, emportés par un morceau aux bons accents festifs. L’intérêt principal restant l’humour et les quelques touches de design fortement inventives qui tracent les quatre minutes plutôt convenues d’une vidéo où les genres se mélangent (images de synthèse, scènes de danse, …). Si le krump n’a ici qu’une fonction d’habillage servant de base à certains mouvements des chorégraphies de groupe dans un premier temps, il bénéficie par la suite de quelques séquences laissant place à l’improvisation, répondant aux "move your body" que lance le groupe. Enfin, peu connue pour la subtilité ou la recherche de ses vidéos, la pourtant excellente Missy Eliott ne faillit pas à sa réputation et livre avec ce I’m Really Hot un court musical totalement dénué d’intérêt, tant dans sa mise en scène, sa chorégraphie ou son montage. Reprenant ici aussi le principe de battle et l’idée de vissages entièrement maquillés, le krump, souvent fondu dans du funk de bas étage, perd toute sa saveur. On sauvera quand même les incursions bienvenues, mais peu mises en valeur, de Miss Prissy et certains de ses amis krumpers.

par Julie Anterrieu

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