Animatrix

Animatrix

Huit histoires assemblées en neuf courts-métrages inspirés par Matrix. Commandés à des maîtres de l’animation moderne par les frères Wachowski - qui ont écrit certains des épisodes -, ces chroniques viennent approfondir un univers riche.

ANIMATION IS AN EVOLUTION

Indépendamment de la qualité de Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, il est indéniable que ces œuvres sont fondées sur un univers solide et cohérent. Quoi de plus naturel, donc, que de chercher à exploiter les pistes offertes par un tel foisonnement. C’est ainsi qu’en guise de préambule au deuxième volet, les Wachowski montèrent le projet ambitieux et original des Animatrix. Retournant la faveur à ceux qui les avaient inspirés, les deux frères décidèrent que les histoires exploiteraient les prémices et les appoints de leur univers. C’est ainsi que naquirent ces huit aventures animées en neuf courts-métrages de style et de provenance différents. Outre des limites claires sur les sujets à traiter (hors de question de raconter une histoire postérieure à Matrix Reloaded) et l’acceptation finale du script par les W., les auteurs avaient carte blanche. Il en résulte une suite de films aux formes diverses, faisant la part belle à la "japanimation", mais gardant la volonté visible de proposer un spectacle "matrixien", c'est-à-dire empli de morceaux de bravoure, enrobés de mysticisme et de sens du sacrifice. Servant parfois de complément à Matrix Reloaded avec des épisodes tels que Kid’s Story racontant comment Neo et le Kid se rencontrent ou bien Final Flight of the Osiris qui est formellement un prologue direct à Reloaded, la série devient un outil destiné à la promotion des films.

LE DERNIER VOL DES ANIMATRIX

De cet ensemble disparate, se démarquent quelques œuvres d’une grande qualité. Passons sur Matriculated réalisé par l’auteur de la série MTV, Aeon Flux vaguement ennuyeux et sur Kid’s Story qui, malgré la présence de Keanu Reeves, d’un script des Wachowski et d’un style visuel rappelant Bill Plympton, demeure accessoire. Restent quatre courts et trois histoires. Final Flight of the Osiris, réalisé par Square Pictures (Final Fantasy), qui s’il se contente d'un scénario basique, propose un visuel époustouflant basé sur une représentation photo réaliste en images de synthèse. Second Renaissance 1 & 2 est une exceptionnelle et violente plongée dans les origines de la Matrice. Racontant comment les humains bâtirent l’ère des machines et se firent dominer par elles, Second Renaissance est probablement l’histoire la plus essentielle du programme Animatrix. Le scénario était destiné en premier lieu à servir d'explication à Neo lors de son réveil hors de la Matrice. La séquence fut remplacée par une explication plus concise de Morpheus. Véritable mine d’informations, le court combine animation cellulo traditionnelle avec animation 3D. Son pessimisme, sa noirceur et sa brutalité en font un programme ouvertement mature, et pose les bases de la mythologie future. Enfin, Beyond, authentique chef-d’œuvre d’animation, exploite la veine poétique de la Matrice. Purement ancré dans le meilleur de l’animation japonaise, le court raconte l’histoire d’une jeune fille cherchant son chat à travers la ville. Elle le retrouvera dans une véritable maison hantée où les bugs de la Matrice se concentrent et vivent une vie indépendante. Variation en récit déstructuré des histoires de fantômes, Beyond se pare de fulgurances visuelles magnifiques. Pouvant être considéré comme le meilleur des Animatrix, il ajoute qui plus est une dimension supplémentaire et inattendue à Matrix. Il témoigne d’un univers parfaitement digéré et maîtrisé par un auteur qui a su le mélanger à ses propres aspirations.

IL NE PEUT RESTER QUE NEO

Le reste des courts demeure d’un intérêt plus modéré, mais offre quelques originalités délectables. Isolant le plus souvent des éléments déjà présents dans le premier Matrix, ils bâtissent leur colonne vertébrale autour de ceux-ci en optant pour des variations thématiques. On retiendra particulièrement le traître de Program évoquant le personnage de Cypher. Aussi, les histoires se risquent vers des rivages éloignés. Lorgnant vers le film noir, A Detective Story (réalisé par Shinichirô Watanabe, l’auteur de Cowboy Bebop) raconte une histoire aux rapports plus flous avec la Matrice. La présence des agents et de Trinity vient créer les ponts avec cet univers rotoscopé, graphiquement fort insolite. Mineur mais toutefois intéressant, World Record raconte l’histoire d’un sportif d’exception qui dépasse les limites physiques imposées par la Matrice et entrevoit ainsi le monde réel. Sa laideur graphique évite le consensus, mais relate toutefois une histoire plus éloignée des turpitudes rituelles de Matrix. De qualité inégale, l’ensemble des œuvres offre toutefois un panorama sympathique de l’animation adulte contemporaine, violente et teintée de thèmes complexes. Et surtout certaines pièces de résistances valent à elles seules un coup d’œil curieux.

par Nicolas Plaire

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