Zatoichi

Zatoichi
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Zatoichi
Japon, 2003
De Takeshi Kitano
Scénario : Takeshi Kitano
Avec : Tadanobu Asano, Yui Natsukawa, Guadalcanal Taka
Durée : 1h56
Sortie : 05/11/2003
Note FilmDeCulte : *****-

Le Japon au 19e siècle. Un mystérieux masseur aveugle erre de ville en ville, sans destination véritable. Il arrive dans un petit village de montagnards et décide de mettre fin aux activités meurtrières des hommes de main de Ginzo.

Z COMME ZATOICHI

Takeshi Kitano enchaîne les projets. Après son lumineux Dolls, un poème magnifique dédié à l’amour absolu, il s’attaque avec brio à son premier film de genre en costume, Zatoichi. Une initiative osée de la part d’un metteur en scène toujours considéré comme un bouffon de la télévision dans son propre pays. Zatoichi est en effet un personnage mythique du cinéma japonais, l’équivalent du héros chinois Wong Fei Hung. Les aventures du samouraï aveugle font à jamais partie du patrimoine culturel nippon et son interprète, Shintaro Katsu, incarne dans l’imaginaire des spectateurs le sabreur juste et invincible. L'audace de Takeshi Kitano a consisté à s'attribuer le rôle principal, en balayant volontairement les codes représentatifs du chambara (films de cape et d’épée japonais). Le Zatoichi nouveau arbore des cheveux blonds peroxydés, et occupe son temps libre à séduire une femme de la campagne. Ce double choix esthétique et thématique définit à merveille l’ambition de l’auteur d’Hana-Bi. Il s’approprie un (super-)héros populaire, non pas pour lui rester fidèle et perpétuer une tradition désuète, mais pour le ressusciter, plus vivant et plus moderne que jamais.

WORK IN PROGRESS

Takeshi Kitano se permet toutes les impertinences. Il joue avec les conventions du film de genre, flirte ironiquement avec le grotesque, et reste en permanence sur le fil du rasoir, entre poésie et ridicule assumé. La diversité des tons, l’éclatement de la narration en divers flash-backs plus ou moins utiles à l’intrigue principale, confèrent à Zatoichi un aspect joyeusement chaotique, proche de celui que l’on éprouve à la lecture d’un roman-feuilleton. Impossible d’anticiper l’action: un affrontement au sabre devancera un gag visuel habilement préparé, un numéro de claquettes succédera à un récit sur-dramatisé. Certains personnages en pâtissent et disparaissent longuement de l’écran au profit de nouveaux intervenants. Des sous intrigues sont gonflées pour être ensuite abandonnées. Mais au final, tout ceci n’a guère d’importance. On est emporté par la fièvre créatrice de Kitano, conquis par sa décontraction apparente et son souci de plaire. Pour la première fois, le cinéaste se permet d’ajouter des effets numériques pour minimiser l’effet de la violence. Zatoichi ne se prend jamais au sérieux ni au premier degré, il s’apprécie comme un cartoon bouillonnant d’idées de mise en scène ou de situations.

CHAMBARA SPAGHETTI

Dolls tentait de saisir le réalisme des sentiments par l’épure, Zatoichi est son pendant boursouflé, monté à cent à l’heure. Le style des deux métrages, si différents en apparence, est pourtant immédiatement reconnaissable. Ils portent la griffe d’un grand metteur en scène qui se remet sans cesse en question. La mélancolie affleure, l’humour demeure toujours aussi tranchant. L’entêtante musique de Keiichi Suzuki, digne successeur de Joe Hisaihi, accentue les joies et les peines des compagnons d’infortune qui croisent la route du samouraï. Amoureux des films d’Akira Kurosawa, Kitano a souhaité par petites touches rendre hommage au maître. L’intrigue s’inspire de Yojimbo, déjà adapté par Sergio Leone dans Pour une poignée de dollars. La magnifique scène de combat sous la pluie rappelle celle des Sept Samouraïs, l’idiot du village qui effectue le tour de la maison en courant évoque volontairement Dodeskaden. Kitano refuse pourtant de se hisser à sa hauteur, n’essaie pas d’imiter ou de copier le génie de Kurosawa. Il a créé une œuvre fantasque, enthousiaste, dont l’énergie culmine dans un final surprenant d’optimisme et de joie de vivre.

par Yannick Vély

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