X-Men: Days of Future Past

X-Men: Days of Future Past
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X-Men: Days of Future Past
États-Unis, 2014
De Bryan Singer
Scénario : Simon Kinberg, Matthew Vaughn
Avec : Michael Fassbender, Hugh Jackman, Jennifer Lawrence, James McAvoy, Ian McKellen, Patrick Stewart, Omar Sy
Photo : Newton Thomas Sigel
Musique : John Ottman
Durée : 2h03
Sortie : 21/05/2014
Note FilmDeCulte : ******
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Les X-Men envoient Wolverine dans le passé pour changer un événement historique majeur, qui pourrait impacter mondialement humains et mutants.

WHAT IS PAST IS PROLOGUE

A l’heure où certains articles de journaux se plaignant de l’overdose de films de super-héros cumulent alarmisme irrationnel, informations erronées, condescendance puante et conclusions hasardeuses, le genre ne s’est jamais mieux porté. Si l’on peut évidemment déplorer l’inintérêt d’une suite de reboot mal fichue comme The Amazing Spider-Man 2, on ne peut mettre dans le même sac les trois autres films de super-héros à sortir sur les écrans en 2014 - quatre films sur une quarantaine de blockbusters, on a connu plus gros comme overdose. Tandis que le film de Marc Webb ne propose rien d’autre qu’une formule mille fois vue, ne serait-ce qu’au sein de sa propre franchise, les autres représentants de cette année mélangent les genres. Captain America : Le Soldat de l’hiver est un thriller d’espionnage, Les Gardiens de la Galaxie est un space opera et X-Men : Days of Future Past flirte ouvertement avec plusieurs genres. Concrètement, c’est le cinquième film de la saga principale, le septième si l’on compte les deux spin-off (eux-mêmes des exemples, certes imparfaits, de la volonté de changer de registre au sein d’une même franchise, surtout en ce qui concerne The Wolverine), et si l’on retrouve évidemment des ressorts narratifs ou dramaturgiques par moments similaires, il s'agit quand même d'une des rares séries aussi longues à avoir su constamment se renouveler, pour ne jamais proposer deux fois la même chose.

Après avoir lancé la saga, ainsi que le genre tel qu’on le connaît actuellement, en 2000, Bryan Singer, échaudé par le traitement réservé à la licence de la part de la Fox partit réaliser Superman Returns, une trahison pour le studio qui n’attendit pas le réalisateur pour lancer le troisième opus. Le cinéaste avait déjà fait son retour sur la franchise avec X-Men : First Class dont il avait signé le traitement et qu’il devait initialement réaliser pour finalement se contenter de le produire. L'envie de réunir le casting de la préquelle avec celui de la trilogie originale a peut-être été influencée par le succès de The Avengers, mais si la décision d'adapter cette célèbre intrigue du comic book a été prise à l’époque où Matthew Vaughn était encore réalisateur du film, le projet s’avère autrement plus approprié au retour de Singer derrière la caméra. Après avoir loupé le coche sur First Class mais surtout sur X-Men - L’Affrontement final, quelle meilleure manière de se réapproprier le bébé qu'une histoire de voyage dans le temps ? Il y a une nature presque « méta » qui traverse toute l'entreprise étant donné que le postulat du film permet donc à Singer de corriger les "erreurs" du passé, en effaçant de la continuité tous les films à l'exception de First Class et Days of Future Past. L'attitude ne consiste plus à dire "on va faire comme si L’Affrontement final et X-Men Origins : Wolverine n'avaient pas existé", c'est désormais littéralement le cas. Et ce n'est pas du bête fan service - après tout, Singer efface également ses deux premiers chapitres - mais une façon poétique de donner à la saga la conclusion qu'il n'avait pas pu donner lui-même, en ne réalisant pas le troisième film, tout en asseyant le statut de First Class comme un reboot qui ne dit son nom.

ICH HABE EINEN TRAUMA

Singer continue d'écrire ici l’histoire du précédent, exploitant une fois de plus à merveille sa principale trouvaille, à savoir la dramaturgie liée au trio Xavier/Mystique/Magneto. Les spectateurs se plaignant du trop-plein de personnages parfois sacrifiés dans les épisodes antérieurs peuvent se réjouir. Singer garde ceux qu'il faut et donne un rôle adéquat à chacun. Il ne s’embarrasse même pas de personnages secondaires servant à étoffer l'équipe. Beast est sans doute le personnage le plus fonctionnel mais sa place au chevet du Xavier déprimé est logique, tout comme sa place dans la bataille pour l'âme de Mystique, et son rôle est assez touchant du coup même s'il aurait gagné à bénéficier d'une scène dédiée. Pas de personnage crée uniquement pour amener du comic relief non plus, à l'exception de Quicksilver mais justement, Singer a l'intelligence de faire appel à lui le temps d'une séquence uniquement, sans que cela ne passe pour une apparition en guest star gratuite. Quant au casting de la trilogie originale et les nouveaux mutants qui les entourent, ils ne sont que dans les segments du futur qui consistent en deux scènes d'action, bien violentes et nerveuses, au début et à la fin. Contrairement à ce que vend le marketing, Wolverine n'est pas le protagoniste du film. Contre toute attente, Mystique est le personnage le plus important du film. Grâce à la réinvention offerte par First Class, dans lequel l'arrogance et l'hypocrisie de l'idéaliste Xavier lui font perdre celle qui l'aimait au profit de Magneto, qui l'accepte et l'émancipe mais va la radicaliser, Days of Future Past transcende le matériau de base en apportant un ancrage émotionnel au simple high concept. Dans le contexte post-First Class, l'intrigue devient en somme la bataille pour l'âme de Mystique, livrée entre Xavier et Magneto. Le simili-bad guy du film, Trask, livre plutôt bataille pour son corps.

Peut-être est-ce la performance de Peter Dinklage, qui ne joue pas Trask comme un nemesis haineux, ou bien le rôle plus McGuffin-esque que le scénario lui confie, contrairement à Stryker dans X2, mais s’il n’est que simili-bad guy, c’est pour la simple et bonne raison qu'il n'y a finalement pas vraiment de méchant dans ce film. Moins central ici que dans First Class, Magneto est bien entendu toujours sujet à des variations d’allégeance, comme l'ont montré X2 et First Class - les meilleurs volets sont ceux qui savent exploiter les différentes facettes de ce personnage – néanmoins, ce qu'il faut vaincre dans ce film, ce n’est pas un adversaire, c'est son propre trauma. Singer avait déjà flirté avec cette notion dans X2 avec le personnage de Wolverine et un peu via cet échange entre Nightcrawler et Storm où le premier oppose le pardon à la colère de la seconde. Cette fois, c'est la ligne directrice du film. C'est le thème qui dicte la dramaturgie : il faut guérir les personnages (Mystique donc mais aussi le vrai protagoniste du film, Xavier) afin de gagner. C'est même le thème qui dicte le genre : le voyage dans le temps servant à "guérir" l'Histoire, en somme. Il suffit de voir les tout premiers plans du film, qui renvoient directement à ceux du tout premier film : on est passé d'un Holocauste à un autre. La boucle est tristement bouclée. L'Histoire ne cesse de se répéter et c'est ça qu'il faut changer. On est en plein dans l'idéalisme politique singerien de la saga.

LE TEMPS DES MUTANTS

Les Américains ont un adage essentiel en écriture : "Always write to theme". Simon Kinberg fait précisément cela et donne par conséquent au film une cohérence thématique béton (tout l'inverse d'un The Amazing Spider-Man 2 qui, n'ayant pas de ligne thématique pour le guider, se perd complètement dans l'écriture). Magneto est également caractérisé par un trauma, bien que lui semble incurable, et Wolverine est le plus grand traumatisé de tous. Son passé viendra inévitablement le hanter à un moment crucial, une idée qui aurait méritée d’être explorée davantage, mais le film part justement du principe que le personnage est guéri. De prime abord, Wolverine paraît réduit à un rôle relativement passif mais le scénario se fait en réalité plus malin. Singer avait conclu l'arc du personnage en deux films. A la fin d'X2, Logan choisit d'abandonner (la quête de) son passé au profit d'une famille d'adoption. L'un des soucis de L’Affrontement final, c'est notamment de ne pas avoir trouvé quelque chose à raconter avec son personnage. On passe de "j'aime Jean" à "je vais devoir la tuer" sans que l'enjeu n'ait été réellement incarné dans le récit. Singer ne crée pas un nouvel arc pour Wolverine comme l'a fait James Mangold sur The Wolverine mais lui donne un rôle dans le récit autre que "il a le pouvoir de se régénérer donc c'est le seul qui peut tuer Jean". Ce qui est intéressant, c'est qu'ici aussi Wolverine est "le seul" capable d'accomplir la mission, grâce à son pouvoir, mais si physiquement il n'y a personne d'autre, mentalement il n'est pas le choix idéal pour cette mission. Et confier à Wolverine le rôle du vieux sage qui doit convaincre le jeune nihiliste Xavier de rejoindre la cause est un choix assez pertinent. Les histoires de voyages dans le temps sont souvent des histoires de boucles et cette inversion des rôles par rapport au tout premier film s’avère parfaitement cohérente. Tout comme le positionnement de Wolverine en témoin des événements, lui, le témoin de l'Histoire qui a traversé toutes les époques, toutes les guerres, qui a tout vu.

Son ampleur s'étendant littéralement sur une cinquantaine d'années, Days of Future Past est plus épique que tous les autres opus mais ne perd pas ce côté intimiste qui reste le cœur de la série. Exception faite d’un léger coup de mou aux deux-tiers, le rythme est tenu tout le long des 2h03 de métrage, denses en revirements, retournements, et ce en l'espace de très peu de temps diégétique, à l'image des deux autres épisodes signés Singer. L'autre grande idée de ces préquelles est d'avoir situé l'action dans une réalité historique connue. La saga a toujours été ancrée dans réalité socio-politique, le thème de la série étant étroitement liée à des questions de droits civiques, et a pour habitude de prendre les Présidents (fictifs) des États-Unis comme personnages (dans X2 et L’Affrontement final). Cette fois-ci, c'est un vrai Président, en la personne de Nixon. La Guerre du Vietnam est en fond tout le long, d'abord en décor où l'on voit des mutants être emprisonnés, puis évoquée comme la raison pour laquelle l'école de Xavier a été déserté, les mutants ayant tous été circonscrits, ou par Trask pour convaincre Nixon de ne pas perdre la guerre à venir contre les mutants, et enfin au travers des Accords de Paix de Paris. Contrairement à la Crise des Missiles Cubain de First Class, ici le conflit est davantage une métaphore de la réalité des mutants, substituant tour à tour les minorités ethniques ou politiques aux mutants.

THE UNCANNY BLOCKBUSTER

A l'instar de First Class, le film s'amuse avec l'imagerie d'époque. On troque les années 60 pour les '70s et, outre la dominante brune de la photographie et de la direction artistique, le ton est donné dès la première scène en 1973 dans laquelle Hugh Jackman canalise tout le charisme de Clint Eastwood dans une sorte de mini-film de gangsters d'une séquence avant de passer ensuite au thriller post-Watergate à base d'infiltration dans le Pentagone & Cie. Singer rend hommage à ses modèles, tout comme il cite directement les deux références en matière de voyage dans le temps, Terminator, dont il reprend presque à l'identique la première scène, et Retour vers le futur sur la fin. Souvent critiqué pour ses scènes d’action, Singer n’oublie pas non plus d’offrir un spectacle de tous les instants. Le film regorge une fois de plus d'idées dans l'utilisation des pouvoirs et, comme les autres volets de la saga, préfère nettement les set pieces où ces pouvoirs sont utilisés intelligemment et de façon visuellement intéressante à des scènes d'action dans le sens conventionnel du terme. La densité du film est là aussi. On passe de la séquence conceptuelle à quelque chose de plus humoristique à des combats plus bruts à du gros money shot spectaculaire, etc. L'introduction est un vrai morceau de bravoure. Nul n’aurait cru que le pouvoir de Blink aurait été aussi excitant, tant dans l'écriture que dans la mise en image. Ça rivaliserait presque avec la mythique ouverture d'X2. Le double-climax est assez impressionnant aussi. Singer trouve toujours une nouvelle manière d'exploiter le pouvoir de personnages qu'on a pourtant déjà vu se battre dans trois ou quatre films et truffe son œuvre de détails badass, notamment pour tout ce qui touche au pouvoir de Magneto.

Days of Future Past possède à la fois cette dimension folle de film de voyage dans le temps et le rythme frénétique d'un film d'action avec un time lock scénaristique, tout en laissant respirer le récit et vivre les personnages, qui continuent de débattre à longueur de temps, conférant au film le gravitas qui manque à bien des films de ce calibre. Non content d’accoucher d’une fin absolument parfaite émotionnellement, Singer renoue avec la tradition lancée non pas par les films du studios Marvel mais par X-Men : L’Affrontement final et termine avec une séquence post-générique excitante. En cette ère d’univers partagés, l’entreprise est non seulement une réussite en soi mais s’impose également comme l’exemple à suivre pour tout blockbuster cherchant à accomplir plusieurs tâches vis-à-vis de sa franchise en l'espace d'un seul épisode. Les arcs de First Class se développent, la trilogie originale se conclue et le prochain volet, X-Men : Apocalypse, prévu pour 2016, est annoncé. Des énièmes suites de film de super-héros préoccupés par la pérennisation d’une licence, s’ils sont aussi incarnés et réussis qu’X-Men : Days of Future Past, on veut bien overdoser dessus tous les ans.

par Robert Hospyan

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