Voyage of Time
États-Unis, 2016
De Terrence Malick
Scénario : Terrence Malick
Durée : 1h30
Sortie : 04/05/2017
Hymne à la nature et à l’univers, Voyage of Time s’interroge sur le rôle de l’homme dans le futur. Après ces temps infinis, quel est le sens de notre passage sur Terre ?
HORS DU TEMPS
« Mother, where do you live ? In the sky ? The clouds ? The sea ? », appelait Pocahontas dans Le Nouveau monde, il y a une dizaine d'années. « Mother », c'est le premier mot qu'on entend dans Voyage of Time, le nouveau film de Terrence Malick. Cette mère, est-elle la planète, la nature, un esprit ? « Where do you live ? » Au fil de Voyage of Time, Malick s'aventurera effectivement, comme pour répondre à l'héroïne de son film de 2005, dans le ciel, les nuages et la mer. Au cœur-même de la lave brûlante des volcans comme dans l'infini du cosmos. Dans ce récit des origines de l'univers (« quand rien n'existait »), Malick donne à voir l'infiniment grand (l'espace, les planètes, le big bang) comme l'infiniment petit (des larves, des molécules, un gros plan sur un œil) dans un jeu vertigineux sur les échelles. Outre son ambition extraordinaire, c'est ce qui rend le spectacle de Voyage of Time unique et inclassable : c'est un film à la fois narratif et abstrait ; un documentaire et une fiction ; un grand spectacle et un film pour galerie d'art ;les images d'une réalité brute côtoient les plus beaux plans de SF vus depuis des années ; c'est une création ultra-moderne en même temps qu'une capsule temporelle vers le passé...
Spectacle unique certes mais dont on a déjà entrouvert la porte dans The Tree of Life, où les questionnements sur le sens de la vie prenaient une autre dimension lorsqu'on quittait une famille américaine pour se plonger dans le temps et les étoiles. Voyage of Time va plus loin en se débarrassant de narration traditionnelle pour embrasser pleinement sa dimension poétique. C'est à l'image des récents films impressionnistes du réalisateur, où le récit est mené par la mise en scène et où le montage est le pinceau de ce peintre génial. Le cinéma de Malick est un cinéma du ressenti et de la contemplation même si (comme le note Alexandre Mathis dans son ouvrage Terrence Malick et l'Amérique) ce cinéma de la contemplation ne ressemble pourtant pas au cinéma contemplatif habituel qui, par définition, laisse le temps de voir, s'installe, et où les plans durent. Les plans ici sont brefs, saisis. La caméra cherche, on a bien conscience que l' « on ne sait rien ». Et il y a quelque chose de fou et de stupéfiant dans cette quête et ces images incroyables qui célèbrent la vie, la Terre et la nature.
Ce programme a tout pour être écrasant – mais, paradoxalement, le film est beaucoup plus modeste que cela, et sa générosité l'empêche d'être pédant. Sa beauté envoûtante n'a pas peur du ridicule, notamment du kitsch sublime lorsque des cieux roses accompagnent un coucher de soleil sur dinosaure à la plage. Le film va vite, ne dure qu'1h30, et avale les siècles sans s’appesantir. Investit les différents éléments, lévite sur des cités extraordinaires, suit, dans un moment hallucinant, quelques hommes préhistoriques. Et pourtant le film ne perd jamais de vue ce qui sous-tend un certain nombre de longs métrages de Terrence Malick : une quête spirituelle de soi, un questionnement intime et intérieur, et la possibilité d'une dimension utopique, le tout dans une ode d'une ahurissante splendeur.