Une vie cachée

Une vie cachée
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Vie cachée (Une)
A Hidden Life
États-Unis, 2019
De Terrence Malick
Scénario : Terrence Malick
Avec : August Diehl, Bruno Ganz, Michael Nyqvist, Valerie Pachner, Jürgen Prochnow, Matthias Schoenaerts
Photo : Jörg Widmer
Musique : James Newton Howard
Durée : 2h53
Sortie : 10/12/2019
Note FilmDeCulte : *****-
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Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible de la peine capitale. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme, Fani, et ses enfants, Franz reste un homme libre.

2011. Terrence Malick obtient la Palme d'or du Festival de Cannes des mains de Robert de Niro pour son film-fleuve Tree of Life, l'oeuvre d'une vie qui entremêlait ses souvenirs d'enfance au Texas à l'infiniment grand - la Nature, la Vie, Dieu. L'auteur de La Ligne rouge est alors au sommet de son art, unanimement considéré comme l'un plus grand cinéastes contemporains. Huit ans ont passé. Le vocabulaire cinématographique qu'il a inventé avec le chef opérateur Emmanuel Lubezki s'est dilué au gré des collaborations du Mexicain - avec Alejandro Gonzalez Inarritu notamment - et des nombreuses imitations de ses «gimmicks» esthétiques, y compris dans la publicité et les clips vidéos. Sa trilogie expérimentale - A la merveille, Knight of Cups, Song to Song - a désorienté les critiques et lassé même les plus fidèles de ses admirateurs. Si chacun des trois films comportait des séquences d'une poésie renversante de beauté, le propos de Terrence Malick se perdait dans des fragmentations trop complexes sur le plan narratif qui finissaient par perdre le spectateur - personnages qui apparaissent et disparaissent du récit principal, voix off qui se juxtaposaient, répétition des motifs jusqu'à l'épuisement.

2019. Une Vie cachée marque donc son grand retour à un cinéma plus simple, plus direct. Terrence Malick filme pendant 2h50 la vie d'un «simple» paysan autrichien durant la Seconde guerre mondiale, paysan qui a refusé de servir pour l'armée nazie en raison de profondes convictions religieuses. Cette foi inébranlable en la bonté de Dieu - et donc, par opposition, au caractère diabolique de l'entreprise nazi -, le réalisateur des Moissons sauvages va l'interroger longuement, se questionnant ouvertement sur le rôle de l'Eglise quand cette dernière se détourne du message du Nouveau testament. La première heure est peut-être ce que vous verrez de plus beau au cinéma cette année. Terrence Malick y déploie tout son art poétique pour une symphonie visuelle et musicale qui émeut parfois aux larmes, filmant la vie paysanne comme un acte de communion avec la Nature.

Bien sûr, les esprits cyniques pourront lui reprocher cette vision idyllique du travail de la terre mais l'attention perfectionniste que porte Terrence Malick au réalisme de ces séquences fait d'Une Vie cachée un film totalement unique, créant un espace-temps où l'on a parfois impression que les acteurs ont été filmés en temps réel pendant des années entières. Le récit du martyr de Franz Jägerstätter est ensuite plus conventionnel - l'anti-héros passe de prison en prison, de procès en procès avant l'exécution. Jamais la résistance passive de Franz Jägerstätter n'est mise en doute - après tout, sa femme et ses enfants subissent les conséquences de son entêtement et l'anti-héros ne s'oppose pas frontalement au nazisme en prenant les armes -, car ce qui se joue est bien sûr au-delà des questionnements matérialistes et ce n'est pas un hasard si les Nazis l'ont condamné à mort et qu'il a été ensuite béatifié par l'Eglise catholique. Objecteur de conscience, Franz Jägerstätter incarne ce Bien universel qui obsède Terrence Malick et qu'il cherche à retranscrire dans toutes ses oeuvres. En cela, le héros d'Une Vie cachée est proche de certaines grandes figures de son cinéma, du soldat pacifiste Robert Witt (La Ligne rouge), à l'Amérindienne innocente Pocahontas (Le Nouveau Monde), sauf que, cette fois-ci, le Mal est plus clairement désigné. Cela permettra peut-être à Terrence Malick de toucher une audience plus large - c'est sans doute son film le plus accessible.

par Yannick Vély

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