Vidocq
France, 2001
De Pitof
Scénario : Pitof, Jean-Christophe Grangé
Avec : Guillaume Canet, Gérard Depardieu, André Dussollier
Durée : 1h40
Sortie : 19/09/2001
Depuis quelques temps, on peut voir les tentatives françaises d'un retour au cinéma de genre. On pourrait marquer le début de ce retour aux origines avec Le Bossu de Philippe De Broca, un film de cape et d'épées, bien français. J'oublie volontairement les films de Luc Besson, qui a toujours fait un cinéma à part, et je ne parle même pas de ses productions qui ne sont que des pâles copies de schémas et formules américaines ou encore des déclinaisons "bessoniennes" de ces mêmes cocktails. Des films comme Total Western ou Le Pacte des Loups y sont plus ou moins bien arrivés, d'autres comme Belphégor ou Vidocq échouent infortunément
Il s'agit pourtant des deux essais les plus typiquement français de ce "mouvement" (Christophe Gans par exemple préfère réaliser un hommage à sa cinéphilie en mélangeant les genres). Cependant, le talent n'est jamais au rendez-vous, probablement parce qu'on essaie trop de "customiser" les films pour qu'ils puissent être accessibles au plus lambda des spectateurs de la masse, ce qui signifie généralement un abrutissement certain. J'y vais un peu fort, mais Jean-Paul Salomé avait salopé son Belphégor avec une absence affreuse de scénario digne de ce nom et de mauvais choix de casting. Et Pitof semble suivre le même chemin.
Tout d'abord, il est ici important de dire qu'il s'agit de la première réalisation d'un spécialiste en effets spéciaux, et vos craintes (les miennes en tout cas) sont bien concrétisées: Pitof a placé des effets et des trucages partout où il le pouvait. Le résultat est un film "boursouflé", où la plupart des incrustations sont finalement si mauvaises qu'on y croit pas une minute. Et c'est là le plus grand méfait qui puisse arriver à un film. Ne pas y croire. Pour ne citer qu'un exemple, les cieux sont identiques à ceux d'un jeu vidéo, on dirait "Quake", ce ciel brunâtre aux nuages noirs, en affreux contraste avec les acteurs imposés dessus. Ce que certains reprochaient au Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, les retouches numériques excessives, en est ici à son comble absolu: tout est faux. C'en est même indigeste. Et on peut alors rire de voir dans un film "ripolin" de grossières erreurs comme un enfant qui regarde la caméra ou des noms avec des coeurs gravés dans des pierres tombales.
Pitof tente également de rendre hommage aux films de genre, évidemment, mais cela se manifeste ici par une abondance vomitoire car pullulante de gros plans, plus gros et grotesques les uns que les autres. On se croirait dans un film d'horreur amateur. C'est tout simplement abusif. Et c'est ce qui caractérise le plus le travail du metteur en scène sur ce film: de l'abus pur et simple de toutes les techniques et de toutes ses idées, si bien qu'à la fin, ça dépasse même le stade de superflu.
Le scénario a été confié à Jean-Christophe Grangé, auteur des Rivières Pourpres, et celui-ci s'est contenté de décrire une enquête très simple, qu'on pourrait confondre avec celle d'un vulgaire téléfilm si ce n'était pour ces quelques flash-backs qui étoffent à peine plus une intrigue assez simpliste, dont le dénouement est un monument du n'importe quoi insensé. Les "péripéties" et situations sont tout juste bonnes à faire avancer le récit mais d'un niveau "cubes pour enfants".
Venons-en au pire, pour en finir définitivement avec ce film: les acteurs. Marc Caro, génial collaborateur de Jeunet, est chargé de la caractérisation des personnages, et son talent se ressent lorsque les acteurs apparaissent à l'écran...mais dès qu'ils parlent...A l'exception d'un grand Depardieu (malgré quelques grognements risibles mais amusants) et d'un Dussolier (qui cabotine légèrement mais en accord avec le personnage) le reste du casting principal est assez minable. A croire que les films d'époque agissent comme de la kryptonite pour certains acteurs. En l'occurrence il s'agit ici de Guillaume Canet, d'autant plus regrettable qu'il est au centre du film. Sans oublier la magnifique mais totalement amatrice Inès Sastre, qui s'efforce de dépasser sa performance de Vercingétorix. En vain.
Il ne reste guère plus que Le Petit Poucet d'Olivier Dahan et les futurs Nid de guêpes et Blueberry de Jan Kounen pour annoncer le véritable retour du cinéma de genre en France. C'est le temps de la vérité.