Une arnaque presque parfaite

Une arnaque presque parfaite
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Une arnaque presque parfaite
The Brothers Bloom
États-Unis, 2009
De Rian Johnson
Scénario : Rian Johnson
Avec : Adrien Brody, Robbie Coltrane, Rinko Kikuchi, Mark Ruffalo, Maximilian Schell, Rachel Weisz
Photo : Steve Yedlin
Musique : Nathan Johnson
Durée : 1h53
Sortie : 05/08/2009
Note FilmDeCulte : *****-
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Deux frères sont spécialisés dans les arnaques de haut vol. Rien n'est impossible pour eux et les mises en scène sont toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Lorsqu'ils s'attaquent à une riche héritière excentrique, ils ne se doutent pas qu'ils vont avoir à faire à une charmante manipulatrice qui cache bien son jeu.

QUAND VOTRE COEUR FAIT BLOOM

Une fois de plus, on espère que le public ne se fiera pas au titre choisi par les distributeurs français, croyant indispensable de vendre le film par le biais de son genre et de donner des indices sur l'intrigue en ayant recours à une formule éculée (l'inévitable "presque parfaite"). En réalité, le nouveau film de Rian Johnson est bien plus à l'image de son titre original, intimiste et proche des ses personnages, les frères Bloom mais également Pénélope (titre initial du scénario par ailleurs). Deuxième long métrage donc pour Johnson, que les plus avertis attendaient au tournant après son excellent Brick, primé notamment aux festivals de Sundance et de Cognac. Trois ans et beaucoup d'anticipation plus tard, le jeune réalisateur revient avec un ouvrage a priori on ne peut plus différent mais qui confirme tout le bien que l'on pensait de lui et comble toutes les espérances avec un défi à nouveau remporté et un univers à la fois personnel et référentiel qui transpire l'amour du cinéma. Sur son premier essai, Johnson transposait les codes d'un genre - le film noir - dans un univers totalement autre - le lycée - et parvenait à rendre non seulement crédible un parti-pris que nombre de courts métrages amateurs ont tenté d'accomplir mais aussi en livrant une œuvre pour le moins originale. Cette fois-ci, le scénariste/metteur en scène s'attaque au film d'arnaqueurs et rebelote, nous tombons amoureux de petit film. The Brothers Bloom enchante le spectateur dès les toutes premières minutes pour ne le lâcher qu'à la toute fin, deux heures après.

I'M BLOOM DA-BA-DEE DA-BA-DAI

Du film noir avec son ambiance envoûtante, on passe au film d'arnaqueurs, par définition bien plus enjoué, et si les deux histoires ont beau ne pas baigner dans la même atmosphère, on retrouve le talent de Johnson dans la manière dont il forge ses univers. Une fois de plus, il parvient à créer un monde auquel on adhère tout de suite alors qu'il s'ancre pourtant dans une réalité des plus cinématographiques. Comme pour Brick, il s’agit véritablement d’un univers de film, pas d’un quelconque monde réel. En fait, il semblerait que le monde réel n'intéresse pas Johnson, qu'il préfère le délaisser pour des œuvres qui se créent leur propre réalité à partir d'imageries, ou plus exactement de sentiments et de sensations issus d'autres films. Si son premier canalisait le film noir pour en reproduire le schéma et le spleen malgré un décor hors-sujet, ce deuxième opus s'inscrit dans une temporalité tout aussi hors du réel qui renvoie encore au cinéma d'antan, de L’Arnaque à Gordon Willis (directeur de la photographie du Parrain). Le film se passe de nos jours et pourtant, à deux ou trois détails près, on jurerait qu’il se situe quelque part dans les années 30. Remarquable magicien, Johnson parvient à prendre le spectateur par la main en enrobant son film dans les oripeaux du genre, costumes et chapeaux noirs, tours de carte et de passe-passe, tel un conteur hors pair. Et c'est peut-être ce qui souffle le plus dans le film : la narration.

BLOOM BEAU

C’est un véritable art du storytelling qui déborde par tous les pores de cet ouvrage, dans l’écriture évidemment mais également dans la mise en scène, ludique au possible. Tantôt très posée et composée dans ses cadres, à l'instar de Brick, elle se rend visible sans en faire trop, souligne juste ce qu'il faut - comme ce moment caché par un pilier où un lien se fait sans qu'on le voit - et tantôt plus dynamique, osant des mouvements qui d'un coup viennent exciter le rythme tout gentil du film pour l'élever vers autre chose de plus filmique, notamment lorsqu'elle illustre les arnaques, les mises en scène justement… Parce qu'après tout, c'est bien de cela qu'il s'agit. A l'instar du Prestige de Christopher Nolan, The Brothers Bloom parle de cinéma. De scénarios et de mises en scène. Les plus réfractaires et les mauvaises langues parleront d'un film qui sent le fabriqué, où l'on voit trop les artifices de l'écriture, censés provoquer tel ou tel effet à l'instant T voulu par son auteur, notamment en ce qui concerne les personnages féminins, l’improbable Pénélope aux mille et un talents jouée par une Weisz tout en innocence des plus craquantes, ou bien évidemment le sidekick muet nommé Bang Bang, affectionnant les explosifs, incarné par Kikuchi. Certes, ces personnages sont très "écrits", au même titre que le gouailleux Stephen qu'interprète Ruffalo ou le lunatique héros aux traits de Brody, mais le film témoigne d'une véritable sincérité qui n’en finit plus de charmer, transcendant les ficelles - assumées par ailleurs - du récit. D’aucuns bouderont leur plaisir et le film, ne sachant voir au-delà sa volonté d'être décalé mais Rian Johnson est tout sauf un poseur. On ne saurait trop vous encourager à vous laisser séduire par ce petit bijou.

par Robert Hospyan

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