Un parfait inconnu
A Complete Unknown
États-Unis, 2024
De James Mangold
Scénario : Jay Cocks, James Mangold
Avec : Elle Fanning, Edward Norton
Photo : Phedon Papamichael
Durée : 2h20
Sortie : 29/01/2025
New York, début des années 60. Au cœur de l’effervescente scène musicale et culturelle de l’époque, un énigmatique jeune homme de 19 ans arrive dans le West Village depuis son Minnesota natal, avec sa guitare et un talent hors normes qui changeront à jamais le cours de la musique américaine. Alors qu’il noue d’intimes relations durant son ascension vers la gloire, il finit par se sentir étouffé par le mouvement folk et, refusant d’être mis dans une case, fait un choix controversé qui aura des répercussions à l’échelle mondiale…
BOB L’ÉPONGE
Si Walk the Line était tout à fait solide quoiqu'académique, il s'est surtout avéré le modèle de bien des biopics musicaux formatés et lisses et l'on pourrait imaginer James Mangold comme le meme reprenant le plan de fin d'Oppenheimer. Cela étant dit, parmi les rares tentatives du genre ayant évité les pièges de la formule, il y avait l'audacieux et fascinant I'm Not There de Todd Haynes dont le parti-pris témoignait à lui seul de l'impossibilité à faire entrer dans les cases un artiste comme Bob Dylan.
En un sens, la démarche du film de Mangold, comme son titre directement tiré des paroles de "Like a Rolling Stone" l'indique, n'est pas si différente même si la forme demeure plus conventionnelle. Si A Complete Unknown a une ligne directrice, c'est cette idée d'une personne qui s'est créée son identité et ce, à plusieurs reprises, toujours soucieux d'échapper aux catégories dans lesquelles on voudrait l'enfermer, qu'elles soient artistiques ou personnelles. Néanmoins, pour dérouler ce programme, le récit, qui a tout de même la jugeote de se cantonner à une période relativement restreinte de la carrière du chanteur, s'éparpille un peu, semblablement toujours engoncé par moments dans le carcan des codes et par conséquent plus ou moins léger sur les différentes thématiques qu'il a la prétention d'aborder.
Autant la relation condamnée à être mise à l'épreuve entre Dylan (Chalamet en parfaite imitation) et son simili-mentor Pete Seeger (un Edward Norton incroyablement touchant de bienveillance) est franchement bien servie, notamment dans le suivi des aspirations de ce dernier quant à la popularité de la folk, autant les histoires sentimentales sont traitées avec une approche parcellaire (Monica Barbaro est top en Joan Baez mais Elle Fanning écope d'un rôle ingrat), elliptique à dessein, sans doute pour illustrer le caractère distant et impénétrable que pouvait avoir ce Dylan parfois ouvertement antipathique, mais tout de même dommageable. En outre, la manière dont le scénario cherche à articuler l'insondabilité de l'âme de Dylan par ses proches en balance avec ses velléités de révolution artistique, censément inspirée en partie par le climat politique, paraît parfois malaisé.
Mais il est indéniable que l'ouvrage est ambitieux dans sa tentative de conjuguer toutes ces dimensions - sociale, musicale et intime - et donc intéressant et, malgré son protagoniste au traitement parfois opaque, relativement engageant tout au long de ses 2h20 alors même que Mangold adopte un rythme assuré dans son refus d'une simple structure en trois actes et dans le temps qu'il laisse aux chansons, transpirant d'un amour sincère pour son sujet même s'il est peut-être un metteur en scène trop classique, notamment dans son découpage pour réussir à le cerner.