Sur la route
On the Road
États-Unis, 2010
De Walter Salles
Avec : Steve Buscemi, Kirsten Dunst, Garrett Hedlund, Viggo Mortensen, Sam Riley, Kristen Stewart
Photo : Eric Gautier
Musique : Gustavo Santaolalla
Sortie : 23/05/2012
Au lendemain de la mort de son père, Sal Paradise, apprenti écrivain new-yorkais, rencontre Dean Moriarty, jeune ex-taulard au charme ravageur, marié à la très libre et très séduisante Marylou. Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle. Décidés à ne pas se laisser enfermer dans une vie trop étriquée, les deux amis rompent leurs attaches et prennent la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes gens partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes.
PROFIL D'UNE OEUVRE
Sur le papier, cette adaptation avait de quoi exciter : transposition fort attendue d’un roman réputé inadaptable, réalisateur « choisi » et adoubé par Coppola qui en détenait les droits, casting de jeunes stars glamour, etc… Il y avait aussi de quoi se méfier. Effectivement, qui en 2012 pense que Walter Salles fait partie des metteurs en scènes les plus excitants, les plus surprenants ? De fait, il n’y a dans Sur la route (le film) absolument rien de surprenant. Rien de rien. Essayez d’imaginer dans votre tête à quoi peut ressembler le film, et vous l’avez déjà. Après tout pourquoi pas, mais viser le classicisme est à double tranchant : si vous voulez faire la même chose que tout le monde, vous avez au moins intérêt à le faire très bien. Or il manque quelque chose de plus grave au film que de l’originalité, il lui manque de relief, de vie.
On a en effet du mal à imaginer comment ce Sur la route pourrait être encore plus scolaire, plus fade. On serait presque tenté de dire que le film est vieillot (cette vision de la jeunesse, ou cette embarrassante tentative de choquer avec des fefesses et de la fumette…), mais ce serait insultant envers le cinéma d’antan. Il est juste complètement stérile et figé dans son trop grand respect de l’œuvre. A force de vouloir appliquer le livre à la lettre près, il ne prend même plus le temps de respirer, de faire vivre ses personnages. D’ailleurs on n’a jamais l’impression de voir des personnages vivants et crédibles, mais juste des vignettes, des acteurs se donnant du mal en vain pour dépasser leur statut de marionnette. Le tout mis en scène sans génie, de manière là encore très appliquée, sans idée personnelle. Dès lors, comment ce Sur la route pourrait-il être autre chose qu’assommant ?
Il est amusant de comparer cette version 2012 de Kerouac à l’adaptation (toujours scandaleusement inédite chez nous) des Hauts de Hurlevent par Andrea Arnold. Deux exemples de relectures cinématographiques de classiques littéraires réputés peu transposables à l’écran. Le film d’Arnold parvenait à être de loin l’adaptation la plus fidèle du roman tout en étant la plus expérimentale, et sans jamais cesser d’être un film personnel. Le long métrage de Salles parvient, lui, à force de respect, à complètement contredire le propos du roman de Kerouac. La quête de liberté, l’individualité exacerbée et le refus de toute convention et toute société laisse au contraire place à un film on ne peut plus polissé, remplis de poupée Ken et Barbies superficielles, qui ressemble à une produit sous vide sorti d’une machine indigne des mauvais Oscars. Un comble. Le seul aspect originel que l’on retrouve, c’est hélas le coté misogyne de roman, où chaque nouveau personnage est plus tristement potiche que la précédente. Hum.