Le Stratège
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Moneyball
États-Unis, 2011
De Bennett Miller
Scénario : Aaron Sorkin, Steven Zaillian
Avec : Jonah Hill, Brad Pitt, Philip Seymour Hoffman, Robin Wright
Photo : Wally Pfister
Musique : Mychael Danna
Durée : 2h13
Sortie : 16/11/2011
Le film est basé sur le livre "Moneyball: The Art of Winning an Unfair Game" de Michael M. lewis. L’histoire tourne autour de l’équipe de baseball d’Oakland Athletics et son entraîneur Billy Beane.
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Initialement, cette adaptation d'un livre de non-fiction, relatant la manière dont un ancien joueur devenu manager a révolutionné la manière dont les équipes de baseball étaient constituées, devait être réalisée par Steven Soderbergh à partir d'un scénario de Steven Zaillian (La Liste de Schindler). Brad Pitt avait signé, la Columbia avait donné le feu vert, mais à quelques semaines du tournage, le cinéaste est revenu avec une version révisée du manuscrit qu'il s'apprêtait à porter à l'écran dans un style quasi-documentaire, semi-improvisé, avec des acteurs qui n'en étaient pas, à la manière de sa série TV méconnue, Unscripted. Effrayé par cette approche peu orthodoxe, le studio a préféré la jouer moins risqué et se séparer de Soderbergh, remplacé par Bennett Miller (Truman Capote), en appelant également Aaron Sorkin - sur le point de gagner un Oscar pour The Social Network - afin de retoucher le scénario. S'il n'a plus rien à voir avec le projet de Soderbergh, Le Stratège s'avère tout de même, malgré ses apparences d'"histoire vraie" classique, une sorte de success-story plus douce amère et donc plus originale.
Avec ce deuxième long métrage, Miller confirme toutes les promesses de son précédent. En effet, on retrouve par moments ce qui rendait la mise en scène de Truman Capote intéressante, notamment cette assurance générale, en particulier au travers d'un rythme des plus posés, qui crée par instant une atmosphère pesante plutôt prenante. L'étonnant contraste entre la mise en scène apaisée de Miller et ce scénario qui se serait prêté à une illustration nerveuse peut refroidir en premier lieu mais finit par séduire même dans ses choix les moins évidents, comme le refus de montrer les matches qui auraient pu s'avérer euphoriques. Le cinéaste a visiblement préféré se défaire du diktat d'un script sorkinien qui aurait été plus speed. Sorkin n'a pas son pareil pour rendre ces bavardages entraînants et pourtant certains échanges se font plus lents qu'à l'accoutumée chez le scénariste. Miller choisit de le réduire à une écriture économique sur laquelle bâtir un simili-biopic à la fois dans la cérébralité, réduisant un sport à des chiffres, et dans le romantisme indissociable du sport en fin de compte.
Derrière ces apparats de simplicité, le film recèle de choix de mise en scène qui paraissent anodins mais en disent long. Par exemple, le fait d'accompagner plusieurs scènes de commentaires des médias...qu'on ne voit jamais, incarnant ce système inchangeable, ce tribunal populaire, qui juge de son point de vue divin. Presque chaque plan sur Brad Pitt, équilibrant sobriété et gimmicks plus voyants dans un de ses meilleurs rôles, raconte une histoire. L'histoire de ce Don Quichotte avec son Sancho Pança qui se lance dans une tâche impossible visant à changer les choses, changer le système, un système basé sur l'argent, les apparences, en le réfutant par la science, les mathématiques, les statistiques, la vérité, l'intelligence, et tout ça pour réparer, tant pour lui que pour les générations à venir, l'erreur du passé qui hante encore le protagoniste. En mêlant ainsi le récit d'une impressionnante remise en question d'une institution au parcours dénué de pathos mais avec un cœur qui bat, Le Stratège se révèle un film sportif humain avec un beau discours.
