She Hate Me
États-Unis, 2004
De Spike Lee
Scénario : Michael Genet, Spike Lee
Avec : Woody Harrelson, Anthony Mackie, Dania Ramirez, Kerry Washington
Durée : 2h18
Sortie : 17/11/2004
"Jack" Armstrong est un symbole de réussite. Il enchaîne les conquêtes, travaille pour une société de biotechnologie high-tech et vit seul dans un somptueux appartement. Son petit monde bascule quand il est licencié sans ménagement après avoir dénoncé les magouilles financières de son patron.
L’ETALON NOIR
Spike Lee fait désormais figure d’ancien au sein du cinéma américain. Depuis la révélation de Nola Darling n’en fait qu’à sa tête en 1986, il donne fréquemment de ses nouvelles, alternant grands films engagés et projets plus intimistes, toujours avec le même enthousiasme et un amour immodéré pour le septième art. L’homme n’a pas abandonné au fil des ans son point de vue politique, le réalisateur non plus. Avec She Hate Me, Spike Lee ne se contente pas de mettre en scène une simple comédie de mœurs sur l’homoparentalité, il éprouve le besoin d’évoquer les derniers scandales financiers qui ont secoué les Etats-Unis, quitte à alourdir le propos, rendre difficilement compréhensible la narration et allonger exagérément la durée du métrage. 24 Heures avant la nuit (La 25e Heure) avait marqué le regain de forme d’un réalisateur dépassé formellement par les derniers clips à la mode, alors qu’il a tant contribué à créer le genre. She Hate Me confirme sa bonne santé actuelle sur ce plan-là. Assisté par le talentueux chef opérateur Matthew Libatique (Requiem for A Dream), il réussit à créer une ambiance particulière, chaude et onirique, transformant l’appartement du héros en espace érotique.
L’HOMME QUI AIMAIT LES FEMMES
Dommage alors que la fable soit si poussive et le scénario tellement artificiel. Pour nouer les deux intrigues, le cinéaste exploite le filon du film de procès en passant par l’inévitable case mafia italienne, dans des séquences au ridicule assumé mais éculé. On préférera aux rouages mal huilés de la dernière partie l’audace du discours et surtout la passion qu’il parvient à insuffler. Peu de réalisateurs aujourd’hui filment aussi bien les femmes et l’acte sexuel. Spike Lee s’ingénie à intervertir les rôles et fait de l’homme, du mâle – Anthony Mackie, révélation immédiate -, l’inattendu objet du désir que l’on paie pour s’attacher ses éminents services. En ces temps de pudibonderie, le réalisateur new-yorkais n’hésite pas à filmer les corps nus de ses personnages, qu’ils soient féminins ou masculins. Et la chair devient belle quand elle est mise en scène avec fièvre et générosité. Spike Lee aime le cinéma et le lui rend bien. Et même quand il s’emmêle les pinceaux et ne parvient pas à assembler les pièces de son puzzle, son cinéma offre un regard pertinent sur notre société.