Sentiments (Les)
France, 2003
De Noémie Lvovsky
Scénario : Noémie Lvovsky, Florence Seyvos
Avec : Jean-Pierre Bacri, Nathalie Baye, Isabelle Carré, Melvil Poupaud
Durée : 1h34
Sortie : 05/11/2003
De jeunes mariés emménagent à la campagne et deviennent les voisins d’un couple fatigué. Leurs relations sont amicales, puis le médecin aigri et la jeune femme tombent amoureux l’un de l’autre.
CIEL, MON MARI!
Où vous seront contées les amours interdites du vieux barbon et de la jeune insouciante: un classique de la comédie française, source inépuisable de quiproquos, ressort comique perverti par le théâtre de boulevard, et préservé amoureusement par l’opérette. Les Sentiments fait dans le cinéma, mais n’oublie pas ses ancêtres, et accompagne en paroles (écrites par les auteurs) et musique les petites étapes de la vie des deux couples. Une compagnie visuelle, puisque la chorale responsable est filmée dans sa salle, où l’on revient pour différentes scénographies illustrant le cheminement amoureux. Une bonne idée de mise en scène, qui donne ce ton badin au film et l’oriente vers la comédie pétillante et gracile. Le marivaudage est réussi, et les acteurs semblent investis par les figures archi-connues: Bacri est un bourru enchanté, Melvil Poupaud joue le mari aveugle et largué, Nathalie Baye fait l’hystérique, et Isabelle Carré plane deux pieds au-dessus du sol, magnifique en jeune femme émerveillée par la vie. On rit, on s’émerveille, on espère…
FATUM
En vain: Les Sentiments n’achève pas la digestion littéraire qui lui donne ses meilleurs côtés. À la croisée des chemins, le film de Noémie Lvovsky opte pour la piste cent fois parcourue de la comédie dramatique, rendant caduque sa chorale, dont les paroles (qu’on peine à comprendre) se heurtent vainement à l’incommensurable malheur d’un amour impossible. Cette fatalité sentimentale, ce drame inévitable des relations amoureuses, thème archi-usé par le cinéma français, est le véritable problème d’un film qui proposait à priori une tonalité différente. La chorale d’opérette (voix de la variété selon les auteurs) ne réussit pas à se grimer en chœur antique, et si ce qui est dit reste crédible, c’est d’une façon maladroite et déplacée, voire malhabile, puisqu’elle rabaisse le film à un niveau convenu, dans une catégorie trop encombrée. Dommage donc, car il s’en est fallu de peu pour que ces sentiments s’élèvent. Reste un vent léger et vivifiant.