Seigneurs de Dogtown (Les)
Lords of Dogtown
États-Unis, 2005
De Catherine Hardwicke
Scénario : Stacy Peralta
Avec : Michael Angarano, Emile Hirsch, Johnny Knoxville, Heath Ledger, Victor Rasuk, Nikki Reed, John Robinson, Rebecca de Mornay
Photo : Elliot Davis
Musique : Mark Mothersbaugh
Durée : 1h47
Sortie : 20/07/2005
Dans les années 70, les rues de Dogtown deviennent le terrain de jeu d’un groupe de jeunes ayant remplacé la planche de surf par celle de skateboard. La gloire, l’argent et les filles vont bientôt s'immiscer dans leur monde et en peu de temps, les Z-Boys deviennent des légendes. Mais leur fulgurante ascension va-t-elle résister aux éléments fondateurs de leur troupe: la passion et l'amitié?
LE PREMIER BOYS BAND
Il est des films qui parlent à une génération entière. Il en est d’autres qui parlent de ces générations. Et Les Seigneurs de Dogtown fait incontestablement partie de ces deux entités à la fois. Entre biographie scénarisée et pamphlet nostalgique sur la naissance d’un art de vivre, la réalisatrice Catherine Hardwicke (Thirteen, 2003), promène sa caméra épaule le long de cet incroyable conte social, où se mêlent aussi les destinées sentimentales et amicales d’une bande de jeunes prêts à tout pour prouver leur existence à un monde qui leur est étranger. Et les exploits de ces trois étoiles (Stacy Peralta, Tony Alva et Jay Adams) de devenir, presque malgré eux, ce mouvement urbain qui connaît encore à l’heure actuelle un engouement plus que certain. Mais au-delà de toute considération moderne sur cette contre-culture, Hardwicke, en défenseuse de la force de l’innocence, prouve à travers ses cadres magiques qu’en plus d’avoir inventé ce fameux mouvement du skateboard, ces trois jeunes gens sont devenus des icônes intemporelles, symboles d’un certain anticonformisme. Les prouesses physiques en métaphore du dépassement de soi et du rejet de la fatalité ont libéré une conscience populaire. Accompagné d’une bande son de circonstance, le film capture ainsi l’essentiel de son propos, et les multiples axes de caméra, toutefois loin d’êtres hystériques ou expérimentaux, ne font que renforcer le lyrisme latent et la mélancolie génératrice de cette histoire simple mais pas commune.
BOYZ BOYZ BOYZ
Outre le fait que Catherine Hardwicke ait été la femme de la situation (David Fincher s’était intéressé lui aussi au projet), Les Seigneurs de Dogtown ne serait pas ce qu’il est s’il n’avait hérité de surcroît d’une l’interprétation au diapason de comédiens habités par leurs rôles. Car ces acteurs sont tellement en phase avec les membres fondateurs des Z-Boys que l’on en vient parfois à penser que l’on se trouve devant un documentaire d’époque (l’image très typée aidant). Entre Heath Ledger, devenu le premier gourou de cette secte inoffensive, et Emile Hirsch (Girl Next Door, 2004), refusant toute concession et se perdant peu à peu dans la désillusion, arrivent aussi à exister le très sobre John Robinson (Elephant, 2003) et le clinquant Victor Rasuk. Dans cette vision d’une vie à cent à l’heure, où chacun se brûle les ailes à sa manière, il est aussi très intéressant de trouver à leurs côtés le comédien Johnny Knoxville qui, de par son passé "jackassien", a prouvé qu’il était lui-même une sorte de descendant des ces princes du bitume, acceptant cette alternative de vie comme totem. Et tout ce petit monde de tirer vers l’avant cette histoire avant tout humaine, dans un film qui va au-delà du sport et de ses démonstrations. En quelques mots, Les Seigneurs de Dogtown est désormais au monde de l’expression urbaine ce que Presque célèbre (Cameron Crowe, 2000) est devenu pour le monde musical: un film essentiel.