Rocky Balboa

Rocky Balboa
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Rocky Balboa
États-Unis, 2006
De Sylvester Stallone
Scénario : Sylvester Stallone
Avec : Tony Burton, Geraldine Hughes, Sylvester Stallone, Antonio Tarver, Milo Ventimiglia, Burt Young
Durée : 1h45
Sortie : 24/01/2007
Note FilmDeCulte : ******

Rocky Balboa, le légendaire boxeur, a depuis longtemps quitté le ring. De ses succès, il ne reste plus que des histoires qu'il raconte aux clients de son restaurant. La mort de son épouse lui pèse chaque jour et son fils ne vient jamais le voir. Le champion d'aujourd'hui s'appelle Mason Dixon, et tout le monde s'accorde à le définir comme un tueur sans élégance ni coeur. Alors que les promoteurs lui cherchent désespérément un adversaire à sa taille, la légende de Rocky refait surface. L'idée d'opposer deux écoles, deux époques et deux titans aussi différents enflamme tout le monde. Pour Balboa, c'est l'occasion de ranimer les braises d'une passion qui ne l'a jamais quitté.

THE QUICK AND THE DEAD

L’ancien contre le nouveau. Le vieux contre le neuf. Le classique contre le moderne… Jusque dans sa forme (noir et blanc Vs couleur, ralentis Vs accélérés…), Rocky Balboa, dernier opus d’une série à la qualité variable mais à la sincérité indéniable, ne parle que de ça. Comme les précédents, ce sixième épisode débute par un match de boxe opposant le challenger Mason Dixon (authentique champion de boxe) au tenant du titre. Mais déjà, quelque chose a changé. Le noir et blanc cède progressivement la place à la couleur. Le filmage, la photographie, ne sont plus ceux auxquels Sly nous avait habitués et ce combat se rapproche plutôt d’une retransmission télévisuelle. Les années 80, époque bénie des Rocky 4 et Rambo 2, sont oubliées, et les années 70 enterrées. Nous sommes à l’heure de MTV et des chaînes câblées, la représentation visuelle et avec elle l’œil du spectateur se sont inlassablement modifiés au cours des années et, après 1991, date de la sortie et de l’échec relatif de Rocky 5, Stallone se doit de prendre ces changements en compte, lui qui a été incapable de négocier le virage des années 90. Mais toute la question est là, aussi bien pour l’acteur que pour son personnage: lui reste-t-il une place aujourd’hui? Comment peut-il se fondre dans une imagerie nouvelle qui n’est pas la sienne? La réponse est foudroyante: au cours d’un combat final entre l’ancien et le moderne, symbolisés notamment par cette contamination progressive du noir et blanc par la couleur, le corps de Sly, énergiquement, se meut, s’ébranle, libérant la bête qui le ronge, bouleversant les pronostics, se synchronisant avec ce qui l’entoure. Déplacé à Las Vegas, filmé nerveusement comme un match de rollerball, ce dernier combat est aussi pour lui une dernière chance de mettre un pied, enfin, dans un cinéma qu’il ne reconnaît plus.

FAN DES ANNEES 80

Que s’est-il passé depuis Rocky 5? Comment Stallone a-t-il pu en arriver à apparaître dans Taxi 3 et à jouer le méchant dans Spy Kids 3? Quand Stallone revient au sommet du box-office en 1993 avec le bien nommé (en VF) Traque au sommet (Cliffhanger), il en profite pour signer les contrats à tour de bras, redevenant l’acteur le mieux payé au monde. S’il fait encore illusion dans le sympathique Demolition Man, il ne peut empêcher l’érosion rapide de sa masse de fans, qui se détournent de lui au fur et à mesure qu’il enchaîne les films. Il tente l’érotisme torride avec L’Expert, l’adaptation de BD avec Judge Dredd, le thriller sombre avec Assassins, surfe sur la mode des films catastrophe avec Daylight; il écrit un remake de Rocky avec des formules 1 (Driven) et sonde les profondeurs du box-office avec le remake Get Carter, le sous Se7en: D-Tox, la comédie prout Avenging Angelo… Autant d’échecs, parfois certes relatifs si l’on prend en compte le box-office mondial et les ventes vidéo, autant de choix hasardeux pour une qualité décroissante. Hollywood ne le lui pardonne pas, et lui refuse l’Oscar pour son rôle pourtant magnifique dans Copland. Stallone est au fond du gouffre, sa carrière est un gâchis intolérable, ses derniers contrats sont ajournés. L’acteur doit revenir aux sources, effectuer un dernier voyage purificateur auprès du rôle qui l’a vu naître. La série des Rocky s’impose comme une évidence, tant son caractère autobiographique et cathartique est connu de tous. Stallone sait qu’il n’a pas droit de reproduire l’erreur Rocky 5 (film injustement méprisé, y compris par l’acteur), que son retour doit être sincère, que son adversaire doit être humain (et Mason Dixon est justement de loin le meilleur "méchant" de la saga après Apollo Creed), qu’il doit retrouver les faveurs du public. Urgemment.

N’AI PAS DE REGRET, RESTE L’ABSENTE

Si rien n’a changé en apparence (Rocky vit pauvrement à Philadelphie, croise Paulie de temps à autre, porte un chapeau, court avec son chien, le film s’ouvre sur des plans de la ville rythmés par la musique Take you back…), si ce Rocky Balboa reste celui qui, de l’aveu même de ses producteurs, se rapproche le plus du premier épisode, il y manque Adrian. On pourra caricaturer à foison Stallone, la bouche en biais, le visage en sang, hurlant le nom de sa fiancée à la fin du premier épisode, mais reste que ce personnage, sans doute le plus beau de la série, s’impose comme le ciment fondateur du boxeur. Sans Adrian, et le soupçon de fierté qu’elle apporte à Rocky, la série n’existe plus. Dans ce Rocky Balboa (qu’il serait hors sujet de titrer Rocky 6), Adrian n’est plus. Foudroyée par un cancer, elle est morte quelques années auparavant, et le film débute par une scène magnifique dans laquelle Stallone rend visite à la tombe de sa femme. Reste la figure de l’absente. "Adrian’s gone but she ain’t gone", répond Rocky à la "Petite Marie". Hanté par le souvenir de sa femme, Rocky n’en finit plus de retourner sur les lieux du passé, ceux où il l’a rencontrée, où il l’a embrassée pour la première fois, effectuant un troublant pèlerinage sur les traces du premier film, au détour d’une scène bouleversante. Dans Rocky 5, Stallone criait à sa femme: "on le quittera un jour, ce coin pourri". Quinze ans plus tard, rien n’a changé… Suite à sa faillite, Rocky vit toujours à Philadelphie, plongé dans un passé ressassé inlassablement au cours des récits de ses combats qu’il fait aux clients de son restaurant. Stallone n’est plus qu’un fantôme hanté par l’ombre d’Adrian, qui se déplace au ralenti, et nourrit tous les jours ses deux tortues, reliques, elles aussi, du premier épisode.

QUE LA LUMIERE SOIT

Ce film s'adresse à tous ceux qui vibrent lorsque les lettres R-O-C-K-Y du titre apparaissent sur la sublime partition de Bill Conti; à tous ceux qui ont découvert la série à 10 ans et ont depuis vu chaque épisode des dizaines de fois; à tous ceux (et au vu des critiques faites au film, il semble qu'ils ne soient pas si nombreux) qui ont compris que l'intérêt de la série n'était certainement pas dans ses combats de boxe, qui jamais n'atteignent la force visuelle d'un Raging Bull ou d'un Ali. Rocky Balboa n'est pas un film sur la boxe. Ce n'est pas Rocky 6 non plus. C'est un film magnifique, mélancolique, sur un homme qui a tout perdu, qui tente de survivre comme il peut, au milieu des rares amis qu'il lui reste (et qui eux aussi sont de vrais dinosaures – "Balboasaure", se voit-il d’ailleurs appelé par les journalistes) et d'un monde qu'il ne comprend plus. Rocky Balboa, c'est Stallone en larmes qui parle de son amour perdu et de la rage qui le ronge; c'est Stallone ému qui explique à son fils que le courage, ce n'est pas de savoir cogner, mais de recevoir les coups et d’avancer malgré tout; c'est Stallone en furie dans un combat de boxe à l'issue aussi intelligente que splendide; c'est Stallone aussi fantomatique qu'un Clint Eastwood dans sa meilleure performance depuis Copland. C'est un putain de film qui vous fout la boule dans la gorge et vous terrasse littéralement lors de plusieurs scènes et d'un générique final fausse bonne idée mais qui se termine par un plan magnifique. Rocky Balboa, c'est Stallone hurlant à la face du monde qu’il existe toujours en tant qu'acteur et, en dépit que de quelques idées bancales, en tant que metteur en scène. Rocky Balboa, c’est tout simplement le retour sur le devant de la scène d’un acteur oublié, moqué, dont la rage de vivre donne des frissons. Ça sonne comme d’émouvantes retrouvailles? C’en est.

par Anthony Sitruk

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