Prisoners
États-Unis, 2013
De Denis Villeneuve
Scénario : Aaron Guzikowski
Avec : Maria Bello, Paul Dano, Jake Gyllenhaal, Hugh Jackman
Photo : Roger Deakins
Musique : Jóhann Jóhannsson
Durée : 2h26
Sortie : 09/10/2013
Dans la banlieue de Boston, deux fillettes de 6 ans, Anna et Joy, ont disparu. Le détective Loki privilégie la thèse du kidnapping suite au témoignage de Keller, le père d’Anna. Le suspect numéro 1 est rapidement arrêté mais est relâché quelques jours plus tard faute de preuve, entrainant la fureur de Keller. Aveuglé par sa douleur, le père dévasté se lance alors dans une course contre la montre pour retrouver les enfants disparus. De son côté, Loki essaie de trouver des indices pour arrêter le coupable avant que Keller ne commette l’irréparable… Les jours passent et les chances de retrouver les fillettes s’amenuisent…
THERE IS A HOUSE IN NEW ORLEANS
En 2009, ce scénario original d'Aaron Guzikowski (Contrebande) était arrivé tout en haut de la Black List, un classement des meilleurs scripts non-produits établis par les exécutifs hollywoodiens. Tour à tour s'y sont attachés différents acteurs et cinéastes tels qu'Antoine Fuqua (sans doute intéressé par le côté vigilante expéditif) et surtout Bryan Singer (qui aurait été parfaitement à l'aise avec toutes ces figures du Mal). Il a finalement atterri entre les improbables mains du Québécois Denis Villeneuve, qui signe ici son premier film américain. Prisoners permet au cinéaste de revisiter, au travers du polar plutôt que du drame cette fois-ci, cette notion de cycle de la violence qui dominait déjà Incendies, et de traiter d'autres thèmes qui lui sont chers comme celui du fanatisme sous ses différentes formes, de la culpabilité du survivant, ou du besoin de comprendre via l'enquête... Ce sont sans doute ces mêmes idées qui ont amené certains critiques à comparer le film à Seven et Zodiac. Autant on peut comprendre dans une certaine mesure le rapprochement (Roger Deakins signe notamment une sublime photo assez fincherienne, dans ses noirs très noirs, et ses teintes jaunâtres), autant le film n'est évidemment jamais à la hauteur de ces deux exemples.
Reconnaissons que Villeneuve aborde un style moins démonstratif que sur ses deux dernières œuvres et apporte une patine auteurisante à ce qui aurait pu se résumer à un banal thriller. Le metteur en scène prend son temps pour explorer la douleur de ses personnages, le poids de la tragédie sur chacun d'entre eux, qu'il s'agisse du père, de la mère, du flic, du suspect, tous prisonniers de ce cycle de violence, et chacun d'entre eux servi par une performance en béton, Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal en tête. Malheureusement, le récit s'étire un peu trop - 2h26 quand même - et tend à retourner vers ses origines d'intrigue à tiroirs, à base des fausses pistes, d'histoires de labyrinthes et de pendentifs qui lorgnent vers le film de serial killer assez basique, avant de s'y effondrer totalement dans un dernier acte vulgaire. On regrette donc ce délitement de dernière minute rabaissant quelque peu un film d'une noirceur comme on en voit rarement dans la production US et qui avait jusque là su se hisser au-delà du tout-venant.