Paterson

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Paterson
États-Unis, 2016
De Jim Jarmusch
Scénario : Jim Jarmusch
Avec : Adam Driver
Durée : 1h55
Sortie : 21/12/2016
Note FilmDeCulte : ***---
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Paterson vit à Paterson, New Jersey, cette ville des poètes - de William Carlos Williams à Allan Ginsberg – aujourd’hui en décrépitude. Chauffeur de bus d’une trentaine d’années, il mène une vie réglée aux côtés de Laura, qui multiplie projets et expériences avec enthousiasme et de Marvin, bouledogue anglais. Chaque jour, Paterson écrit des poèmes sur un carnet secret qui ne le quitte pas…

CONDUITE FACILE

Elle est douce, la petite musique du cinéma de Jim Jarmusch : sa bienveillance amusée, son humour lunaire, son élégante mélancolie. Qu’il fasse se taper les cuisses de rire ou mette la larme à l’œil, le ton unique du cinéaste ne cueille peut-être jamais autant que lorsqu’il vient donner un relief inattendu à des registres a priori antinomiques, du western (Dead Man) au film de vampire (Only Lovers Left Alive). Paterson, c’est pourtant du pur Jarmusch, simple et contemporain. Que reste-t-il de ce cinéma lorsqu’il se recentre sur lui-même ? Un résultat à la séduction efficace mais prévisible, dont la familiarité même déroute. Paradoxal ? Oui, mais également bancal.

Paterson est chauffeur de bus dans une ville appelée Paterson (on a connu clin d’œil moins appuyé). Il écrit des poèmes en secret et réalise qu’autour de lui, tout le monde est déjà poète. Le film suit une semaine ordinaire de sa vie, faisant de son quotidien (ses trajets, ses rencontres, ses poèmes) un récit doux, dépourvu de conflit. Sans conflit, le film prend le risque du surplace, et certains gags s’approchent un peu trop de la frontière séparant le récurrent du redondant (les jumeaux, le collègue indien, les peintures en noir et blanc, la copine gentiment à l’ouest…), mais de fait Paterson a par moment un charme fou, le temps de quelques conversations décalées, grappillées parmi les passagers du bus.

Très peu de personnages et très peu de décors différents... Jim Jarmusch fait la même expérience que celle de son protagoniste : faire naitre la poésie de la banalité, du minuscule. Cela donne des résultats aux succès divers (certains plans emphatiques de poèmes illustrés semblent sortis d’un clip moche de karaoké), mais au final, cela lui donne surtout, hélas, un horizon un peu trop restreint. Au propre comme au figuré. Paterson coche toutes les cases de ce qui fait un film de Jarmusch, mais il lui manque sans doute un élément de surprise qui le distingue. Il lui manque paradoxalement ce qui rend son cinéma si précieux : un grain de folie. Sans heurt mais sans surprise, l’ensemble ressemble en effet parfois à un film sous cloche.

Difficile en revanche de résister au charisme d’Adam Driver, qui fait des merveilles dans un rôle qui aurait facilement pu tourner au catalogue de mimiques. A cheval entre ironie, candeur et malaise, il règne dans chaque scène avec une aisance admirable. A lui seul, son jeu reflète ce qui est peut-être le meilleur gag et le vrai mystère du film : les poèmes de Paterson sont-il sublimes ou pathétiques ? Jarmusch a l’élégance de ne pas trancher.

par Gregory Coutaut

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