Passion du Christ (La)

Passion du Christ (La)
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Passion du Christ (La)
The Passion of the Christ
États-Unis, 2004
De Mel Gibson
Scénario : Benedict Fitzgerald, Mel Gibson
Avec : Monica Bellucci, Jim Caviezel, Claudia Gerini, Christo Jivkov, Maia Morgenstern, Sergio Rubini
Durée : 2h07
Sortie : 31/03/2004
Note FilmDeCulte : *-----

Les douze dernières heures de Jésus Christ. Jésus est dans le Jardin des Oliviers en train de prier après la Cène. Satan vient le tenter mais Jésus résiste. Il sait ce qui l'attend avec la trahison de Judas pour trente pièces d'argent. Il est arrêté et conduit devant les chefs religieux pharisiens qui l'accusent de blasphème et le condamnent à mort.

GENESE

Au commencement, il y avait les Evangiles, textes militants visant à légitimer Jésus en tant que Messie. Ensuite, il y eut les efforts de réconciliation entre catholiques et juifs, notamment les "réformes" établies par Vatican II. Flash-forward jusqu'en 2002, date à laquelle Mel Gibson, chrétien fondamentaliste notoire, annonce son projet de faire un film réaliste sur les douze dernières heures du Christ. Première constatation: il est incroyable de voir à quel point le projet à muté depuis jusqu'à la fameuse polémique d'aujourd'hui. Taxé d'antisémitisme, La Passion du Christ s'avère effectivement on ne peut plus douteux concernant la question que le film réintroduit: qui a tué Jésus? Dès lors que l'auteur y répond en accusant non seulement les grands prêtres mais surtout la quasi-totalité du peuple juif, présent à chaque étape du "jugement" du prophète (de sa première parution devant un tribunal improvisé jusqu'au mont Golgotha, en passant par le chemin de croix), alors Gibson réfute des années de développement autour de la "faute". Réaliste? Il y a quelques temps, le pari du réalisateur paraissait encore être un choix artistique intéressant et osé. En réalité, il ne reste plus à présent que ce qui s'avère être un film de propagande, non tellement d'un point de vue thématique (qui demeurera éternellement discutable) mais plutôt esthétique.

ULTIMATE JESUS

Allant de pair avec son intention d'atteindre un certain réalisme dans sa retranscription supposée fidèle des dernières heures du Messie, la volonté de tourner le film en araméen et en latin avait été le principal argument de vente du projet. Au final, une fois sous-titrées, les langues mortes ne semblent employées que pour la forme, soi-disant garantes de l'aspect historique du récit. Il se trouve que la langue parlée dans l'Empire romain était le grec, mais là n'est pas la question. Comme nombre d'autres éléments du film, l'utilisation de ces deux dialectes révolus n'est qu'une vitrine. Là où le bât blesse plus encore, c'est évidemment dans la mise en scène. Le teaser avait tout de suite annoncé la couleur: ralentis exacerbés, travellings à tout va, image léchée. On est plus proche d'une production Bruckheimer, avec ses teintes évoluant entre le bleu et l'orange, que d'un rendu naturel de l'histoire. On frise la parodie. A peu de choses près, la fausse bande-annonce de "Jésus II: le retour" (sketch des Inconnus) pourrait très bien être celle du film de Gibson, dont le Jésus est un beau gosse au visage on ne peut plus américain et dont les yeux oranges brillent comme ceux d'un super-héros. Il écrase les serpents de Satan et porte sa croix qui semble peser des tonnes (mais non sans tomber un nombre incalculable de fois, appuyé à chaque fois d'un ralenti). Plus que toute autre chose, la glorification du prophète se fait à travers la torture. La séquence de flagellation s'étire de manière interminable, l'air de dire "Regardez comme il endure, le martyr". On s'attendrait presque à le voir se rebeller et combattre soldats romains et peuple juif, les mains menottées, en lâchant une punchline bien sentie, comme dans un film de Steven Seagal. Ridicule.

ON SE CALME ET ON BOIT FRAIS A GOLGOTHA

L'utilisation excessive de la violence et l'abondance du sang se veulent une autre prétendue marque de réalisme. Cependant, face à ce spectacle complaisant, l'on se croirait plutôt devant le film d'un étudiant qui, après avoir vu Il faut sauver le soldat Ryan, pense que "plus réaliste" signifie "plus gore". Encore une fois, un abus outrancier ôte toute crédibilité à l'entreprise. A l'instar d'autres scènes du film, où l'exagération finit d'enfoncer le dernier clou dans la croix dressée par le metteur en scène. Qu'il s'agisse du personnage de Barabbas (interprété comme s'il s'agissait du méchant de Versus), d'Hérode (et sa cour de folles, au sens propre comme au sens figuré) ou de la condamnation incessante par les Juifs (qui n'est pas sans rappeler la populace réclamant la mort d'une "sorcière" dans Sacré Graal), l'on se surprend à rire tout le long pour finir par se rendre compte à la sortie de la salle, après un dernier plan des plus risibles, que La Passion du Christ se regarde comme un nanar. Navrant. Faisant preuve d'un simplisme flagrant, jusque dans sa structure qui reprend les pires tics hollywoodiens (les flashbacks, fausse bonne idée typique des scénaristes contemporains) et où la sincérité de Gibson se traduit par de la naïveté (voire de la pure bêtise), le film n'est en vérité qu'une énorme pub de plus de deux heures, où la violence et le visuel michael-bayien sont là pour foutre une claque au spectateur tout en lui vendant littéralement une image de Christ superstar. Les télévangélistes ont trouvé leur film de Noël.

par Robert Hospyan

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