Pas sur la bouche
France, 2003
De Alain Resnais
Scénario : Alain Resnais
Avec : Pierre Arditi, Sabine Azema, Jalil Lespert, Isabelle Nanty, Audrey Tautou, Lambert Wilson
Durée : 1h55
Sortie : 03/12/2003
Lors d'un séjour aux Etats-Unis, Gilberte a été mariée en premières noces à un Américain, Eric Thomson, mais ce mariage n'a pas été légalisé en France. Revenue à Paris, Gilberte a épousé un riche industriel, Georges Valandrey, qui ignore tout de l'union avec Eric Thomson. Coïncidence, ce dernier vient justement dans notre beau pays pour monter une affaire avec Georges Valandray.
SINGING/NO SINGING
De la plus grande gravité (Nuit et brouillard) à l'extrême légèreté (Pas sur la bouche), tel est le parcours d'Alain Resnais. L'âge venant, il a décidé de s'amuser et ce depuis son Roger Rabbit expérimental I Want To Go Home, laissant de côté les sujets plus graves qui ont été la marque du début de sa carrière. Cinéaste aux goûts éclectiques (la BD, la SF, la chanson populaire), Resnais se fait ainsi plaisir en réalisant une comédie musicale adaptée d'une opérette de Maurice Yvain et André Barde. Cela donne un vaudeville proche du théâtre de boulevard, totalement frivole, mais là est la limite de cette œuvre, qui perd en substance par rapport à On connaît la chanson, scénarisé, il est vrai, par le couple Bacri-Jaoui. Visuellement, c'est un petit bijou, esthétiquement proche de certaines BD de la mouvance "ligne claire", dont fait partie le concepteur de l'affiche et du générique Floc'h, qui travaille avec Resnais depuis Smoking/No Smoking. La réalisation est impeccable, Resnais expérimente toujours et s'amuse même à recréer certains des effets du cinéma muet, mais tout cela ne concerne que la forme, et le fond reste bien léger; la plupart des thèmes habituels du cinéaste étant à peine effleurés.
HUIT FANS
Comme dans la majorité des films de Resnais, Pas sur la bouche demande qu'on se soumette aux règles du jeu. En premier lieu accepter, opérette oblige, que tous les acteurs chantent: un peu irritant au début, on s'y habitue rapidement. Cet exploit est rendu possible grâce à la persévérance et au talent du compositeur Bruno Fontaine. Cet orchestre d'acteurs s'en donne à cœur joie et joue la partition - certes les airs connus du marivaudage à la française - avec délice. Sabine Azéma incarne l'héroïne, comme toujours, tandis qu'Arditi interprète une fois n'est pas coutume un réac de droite, lecteur de l'Action Française, un personnage échappé de Stavisky. Lambert Wilson singe Cary Grant dans les comédies de Howard Hawks, Isabelle Nanty joue la bonne copine. Le couple de jeunes premiers est interprété par Audrey Tautou, look à la Louise Brooks, et Jalil Lespert, loin de son répertoire habituel en gigolo pique-assiette inspiré de l'acteur Charlie Chase. Daniel Prévost est impeccable en soupirant un peu beauf éternellement éconduit, et mention spéciale à Darry Cowl dans un rôle étonnant que n'aurait pas renié Pauline Carton. D'ailleurs, il fut question un temps de recréer numériquement cette grande actrice populaire, présente dans presque tous les films de Sacha Guitry, mais Resnais abandonna l'idée. Tous ce petit monde s'agite gentiment tels des fantômes perdus dans un décor, nous faisant passer une agréable soirée. Ce dernier mets de Resnais ne conviendra pas à toutes les bouches, les parties chantées pourront sembler pour certains indigestes, mais l'ensemble demeure tout de même de haute tenue.