Only Lovers Left Alive
 |
 |
 |
 |
 |
Notez ce film |
France, 2013
De Jim Jarmusch
Scénario : Jim Jarmusch
Avec : Tom Hiddleston, Tilda Swinton, Mia Wasikowska
Durée : 2h02
Sortie : 19/02/2014
Dans les villes romantiques et désolées que sont Détroit et Tanger, Adam, un musicien underground, profondément déprimé par la tournure qu’ont prise les activités humaines, retrouve Eve, son amante, une femme endurante et énigmatique. Leur histoire d’amour dure depuis plusieurs siècles, mais leur idylle débauchée est bientôt perturbée par l’arrivée de la petite sœur d’Eve, aussi extravagante qu’incontrôlable. Ces deux êtres en marge, sages mais fragiles, peuvent-ils continuer à survivre dans un monde moderne qui s’effondre autour d’eux ?
LES DEUX ORPHELINS VAMPIRES
Jim Jarmusch réalise un film de vampires: la nouvelle avait l'air de surprendre lorsqu'elle a été annoncée. Mais les vampires de Only Lovers Left Alive s'insèrent tout naturellement au coeur la faune nocturne qui rôde et s'égare dans la filmographie du cinéaste. Only Lovers Left Alive signe son grand retour presque dix ans après Broken Flowers (qui avait frôlé la Palme en son temps), tandis que son film suivant, The Limits of Control, a été largement oublié. Presque invisible, comme les héros de son nouveau long métrage. Tilda Swinton évoquait la beauté de cet aspect particulier du film: des vies invisibles dans un monde invisible. Jarmusch file la métaphore en évoquant le cas de Christopher Marlowe (joué par John Hurt), dont l'oeuvre serait en quelque sorte invisible puisque pillée par Shakespeare. Lorsque les héros croisent une chanteuse fantastique dans un bar marocain, celle-ci semble trop merveilleuse pour être connue. Snobisme ? Un peu. Mais Jarmusch s'intéresse avant tout aux marginaux, à ceux qui peuplent la nuit, à un monde inversé, et ici aux vampires.
S'ils boivent du sang et fuient la lumière du jour, les vampires de Jarmusch ne sont pas tout à fait comme les autres. Dandys oui, mais ils ne vivent pas dans un château anglais, plutôt un loft perdu à Tanger, décor surprenant et mystérieux. Lorsqu'ils prennent leur dose d'hémoglobine, c'est un trip mystique, identique à un shoot sur une musique planante. Tout est grâcieux dans Only Lovers Left Alive. Comme la fausse solitude d'Eve et Adam, qui rappelle la fausse solitude d'autres héros de Jarmusch: Eve et Adam sont seuls mais profondément ensemble, couple résolument romantique dans un décor fort éloigné de ceux de Lord Byron. Only Lovers Left Alive s'ouvre par une séquence splendide où un vinyl tourne, tourne et tourne, tourne encore sur le visage de Tilda Swinton (qui incarne une vampire comme si c'était sa deuxième peau): on se prépare à jeter un sort. Ballade rock, Only Lovers... est un beau trip dont le silence n'a pas le même son qu'ailleurs. Son humour à froid participe à la singularité de cette musique de nuit, qui privilégie le climat poétique aux grands sujets, garde le cap de son envoûtant minimalisme, jusqu'à un son dénouement en belle pirouette. Une élégance de plus pour cette petite pépite, noire et ensorcelante.
