Mémoires de nos pères
Flags of our fathers
États-Unis, 2006
De Clint Eastwood
Scénario : Paul Haggis
Avec : Adam Beach, Jamie Bell, Neal McDonough, Barry Pepper, Ryan Phillippe, Paul Walker
Musique : Clint Eastwood
Durée : 2h12
Sortie : 25/10/2006
Le récit de la bataille d'Iwo Jima du point de vue des Américains. Hommage aux six soldats qui plantèrent la bannière étoilée au sommet du Mont Suribachi en signe de victoire.
HEROS MALGRE EUX
Auréolé par l’énorme succès critique et public de Million Dollar Baby, son précédent long métrage, Clint Eastwood retrouve son scénariste Paul Haggis - oscarisé pour Collision - pour un diptyque sur la bataille d’Iwo Jima dont Mémoires de nos pères est le premier volet. Centré sur la perception japonaise de cette terrible épisode de la Seconde Guerre mondiale, Lettres d’Iwo Jima sortira en salles au début de l’année 2007. Million Dollar Baby était un faux film de boxe, Mémoires de nos pères n’est pas un simple film de guerre supplémentaire. Nullement concerné par les relevés topographiques et les plans de bataille, Clint Eastwood délaisse vite les tranchées après un homérique débarquement spielbergien digne d’Il faut sauver le soldat Ryan. Aux démonstrations pyrotechniques, le cinéaste américain privilégie l’humain et suit les trajectoires de trois soldats désignés comme les exemples d’un pays en quête de héros. Une simple photographie peut changer la face du monde et le sort d’une guerre, explique le film en préambule. Elle peut également modifier la destinée des soldats impliqués, pris dès lors dans un engrenage médiatique qui les dépasse. Ce n’est pas la première fois que Clint Eastwood évoque le sujet du miroir aux illusions: Bronco Billy, Impitoyable et Space Cowboys comptaient déjà leur lot de légendes fatiguées par leur statut d’icône.
IRA? IRA PAS
Pourtant, malgré d’indéniables qualités formelles, Mémoires de nos pères ne parvient pas à répéter le miracle de Million Dollar Baby. Le jeu de dominos mis en place par Paul Haggis sur le plan narratif dilue l’émotion et empêche le film de prendre son envol. Plusieurs fois, le film change de point de vue et les nombreux flash-back accentuent l’impression d’éparpillement. Très scolaire, la copie s’avère même par moments indigeste quand on revient sur le personnage de l’écrivain, délaissé dès la première bobine, pour le retrouver au chevet de son père malade et forcer ainsi l’implication émotionnelle du spectateur. Le propos est précieux, mais asséné sans délicatesse. Les trois héros campent des archétypes monolithiques qui ne sortiront jamais des rails sur lesquels ils sont posés dès les premières séquences. Néanmoins, Mémoires de nos pères est jalonné de scènes magnifiques – Eastwood n’a pas perdu son art de cinéaste. Personne ne filme comme lui les confessions d’un homme au bord de la rupture ni les étreintes entre un soldat et la mère de son meilleur ami. A l’image du générique final, le film n’est jamais aussi beau que dans la sobriété et l’économie d’effets; tout ce qui manque, en fait, au scénario, beaucoup trop artificiel pour convaincre. Gageons que Lettres d’Iwo Jima réhabilitera ce premier volet en lui apportant une cohérence.