Love and Bruises
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Chine, République populaire de, 2010
De Lou Ye
Scénario : Jie Liu-Falin, Lou Ye
Avec : Jalil Lespert, Tahar Rahim, Vincent Rottiers, Corinne Yam
Photo : Nelson Yu Lik-wai
Musique : Peyman Yazdanian
Durée : 1h48
Sortie : 02/11/2011
Exilée à Paris, Hua, une jeune professeur de Pékin, se lie d'une passion dévastatrice avec Mathieu, un ouvrier...
LES AMOURS IMAGINAIRES
"Dès que tu quittes la Chine, tu dépéris". Une réplique lancée à l'héroïne de ce Love and Bruises et qui pourrait illustrer le ratage de ce film tourné en France par le cinéaste chinois Lou Ye. Ce dernier, interdit de tournage en Chine depuis Une jeunesse chinoise, rencontre une autre bannie, l'écrivaine Jie Liu-Falin, dont le roman ici adapté a également été interdit en Chine. Hua est littéralement frappée lorsqu'elle rencontre Mathieu, une passion amoureuse comme un coup de tonnerre qui rappelle Une jeunesse chinoise, plus belle réussite du réalisateur, et qui évoque la passion aliénante de Suzhou River. Mais Love and Bruises n'a pas la grâce de ces deux longs métrages et se contente souvent d'entasser scènes de sexe et scènes d'hystérie pour donner l'illusion de raconter quelque chose autour de cet énigmatique personnage acceptant de se faire traiter comme un tapis de sol par des beaufs qui se prennent pour des lovers. Surinterprétation ou pas, il est intéressant de voir à quel point toutes les scènes françaises sont d'une laideur et d'un glauque à pleurer, cul moche en terrain vague, cuisine d'appart banlieusard éclairée au néon dégueu, sous-sol de chez maman et la lumière nulle part, tandis que la parenthèse chinoise est d'un coup d'un seul lumineuse, avec sa jolie cage à oiseaux et enfin un ciel.
Love and Bruises n'est pourtant pas si manichéen et sait jouer des illusions. Celles de son héroïne, interprétée par Corinne Yam (une révélation face à Tahar Rahim qui confirme les espoirs de Un prophète), poursuivie par l'amertume quels que soient ses choix. Lou Ye indique qu'il a souhaité être fidèle au roman en refusant de psychologiser. A ce sujet, dans un entretien qu'elle nous a accordé, la réalisatrice Urzula Antoniak avançait, au sujet des personnages et de la psychologie des personnages dans un film: "il faut croire en eux, et non pas forcément les comprendre (...) Comprendre les actes d’un personnage c’est un acte moral, et je ne demande ni aux acteurs ni au public de porter un jugement". Et c'est un peu là le problème de Love and Bruises, qui fait un pari ambitieux en chérissant le mystère et le refoulé, mais sans vouloir comprendre le personnage de Hua et son amour pour Mathieu, on finit surtout par ne pas y croire et ne voir qu'une volonté de scénariste ou de cinéaste. Longtemps pressentie à Cannes avant d'échouer dans une sous-section à Venise, cette passion brûlante, péniblement, ne se regarde qu'à distance.
