Lois de l’attraction (Les)
The Rules of Attraction
États-Unis, 2002
De Roger Avary
Scénario : Roger Avary
Avec : Jessica Biel, Faye Dunaway, Thomas Ian Nicholas, Kip Pardue, Ian Somerhalder, Shannyn Sossamon, James Van Der Beek
Durée : 1h50
Sortie : 12/03/2003
La vie de gosses de riches dans une faculté de la Nouvelle Angleterre, tournant autour de la drogue, du sexe et du déni de soi où les repères s’effacent. Trois histoires principales, trois destins flous, trois personnages autour desquels gravitent d’autres personnages.
Bret Easton Ellis est un grand auteur, probablement l’un des plus grands de sa génération, et l’adaptation de ses livres est toujours problématique. Pas ou peu d’intrigue, une narration principalement littéraire, beaucoup de personnages, un esprit unique et impalpable. American Psycho s’était frotté aux affres de l’adaptation ratée, s’échinant à reproduire l’esprit d’Ellis sans pour autant y parvenir. Heureusement, dans le cas des Lois de l’attraction la mission est pratiquement accomplie. En effet, le film parvient très souvent à saisir le flux qui parcoure le livre, pourtant réputé moins adaptable qu’American Psycho, et à le traduire en images. Avary livre ici un film nihiliste où les sentiments sont reniés, avalés, pour être recrachés dans les refuges que sont la drogue ou le sexe. Le désert sentimental voulu par Ellis trouve ici un parfait écho dans une réalisation parfois virtuose bien que souvent clinquante. Les personnages passent leur temps à se regarder, mais à ne pas se voir, ils ne se reconnaissent jamais et espèrent des choses qui ne viendront en aucun cas sous la forme souhaitée.
L’interprétation est du reste assez exemplaire, car chacun des rôles est un exercice périlleux et il est aisé de tomber dans le trash vulgaire et facile. Le casting s’avère excellent, notamment avec James Van Der Beek, issu de l’improbable série adolescente Dawson, qui montre qu’il est capable de jouer un personnage complexe et ambigu. On retiendra surtout l’excellent Ian Somerhalder, interprétant un dandy bisexuel, parfait de cynisme et de contrôle de soi jusqu’à son point de rupture. Tous s’investissent de concert pour livrer l’interprétation juste, dans le ton de l’œuvre originale, et y parviennent la plupart du temps, bien qu’il soit possible de déceler quelques défauts, quelques clichés et quelques exagérations qui font malheureusement sortir le film de la belle route tracée par Bret Easton Ellis.
Portrait d’une génération et de rejetons d’une classe sociale particulière, le film trouve toute sa force dans sa sécheresse, son ton dur et ses séquences fortes, et souvent sans trop de concessions. Tout juste pourra-t-on éventuellement regretter que la nudité ne soit pas montrée avec autant de froideur que le reste des exactions. Seulement, il serait injuste d’accuser Avary de faire preuve d’une trop grande frilosité tant formellement que dans son contenu car son film est osé et complètement "barge". Il règne une atmosphère particulière et propre à Ellis, dangereuse et perdue, d’où les adultes normaux, les cours et l’autorité sont symboliquement absents pour ne laisser que ces jeunes dorés livrés à eux-mêmes et incapables de se prendre réellement en charge avec tout ce que cela implique. Avary filme ces scènes avec une belle maîtrise, une férocité et une justesse redoutables, particulièrement une très forte scène de suicide, presque insoutenable. Si bien que, dans ce tableau idyllique, il est dommage de constater que certaines scènes dévient abusivement du livre. Trop sentimentales, trop tendres pour ses personnages, c’est le contre-pied total de l’œuvre originale. Toutefois, et c’est heureux, ces scènes s’intègrent parfaitement et paradoxalement dans le film, ainsi le néophyte "ellissien" ne verra pas la trahison. L’expert les regrettera, mais s’extasiera devant la réussite globale de l’entreprise.