Lettres d'Iwo Jima
Letters From Iwo Jima
États-Unis, 2007
De Clint Eastwood
Scénario : Paul Haggis, Iris Yamashita
Avec : Tsuyoshi Ihara, Ryo Kase, Yuki Matsuzaki, Shido Nakamura, Kazunari Ninomiya, Ken Watanabe
Photo : Tom Stern
Musique : Kyle Eastwood
Durée : 2h20
Sortie : 21/02/2007
La bataille d’Iwo Jima du point de vue des Japonais et du Commandant en chef Tadamichi Kuribayashi
RECTO VERSO
Tourné dans la foulée de Mémoires de nos pères, Lettres d’Iwo Jima s’attarde sur l’autre face de la guerre du Pacifique, faisant tomber toute approche manichéenne de la bataille qui fit rage sur Iwo Jima. Changement de point de vue, de nationalité, mais également nouvel angle d’attaque pour ce deuxième film. Clint Eastwood ne filme plus les affrontements et actes de bravoure afin de rendre compte de l’engrenage qu’ils mettent en route, mais pose ici son regard sur les mécaniques mises en place avant et pendant l’état de guerre. Ou comment les soldats et gradés gèrent le combat, la notion d’honneur et le fait de faire face à une entité culturelle à priori différente: les Etats-Unis. Une dernière idée, liée à la formation américaine du Général Tadamichi Kuribayashi, qui traverse de part en part le scénario. Là où dans le premier film l’identité de l’adversaire restait somme toute annexe - du fait de centrer l’intrigue autour de la répercussion de la bataille sur le sol américain – le second s’attarde plus longuement sur la notion de nationalité pour mieux gommer, au détour de lectures de lettres et de souvenirs d’avant-guerre, les oppositions culturelles, et ne garder que le réel ressort de cette guerre: des hommes qui s’entretuent pour l’honneur et les convictions de leur mère patrie. C’est ce que Clint Eastwood démontre à travers son diptyque, développant de part et d’autre deux éléments récurrents dans sa filmographie: le poids des actes et la figure du héros national. Deux thématiques faisant partie intégrante de la culture des deux nations qui s’affrontent ici.
IWO JIMA MON AMOUR
Si la relation pile/face entre Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima est prépondérante dans cette entreprise, elle n’est en aucun cas déterminante dans la qualité et l’intérêt de ce second film. Comme à son habitude, le réalisateur déploie une humanité débordante, s’attardant longuement sur ses personnages, leurs sentiments, leurs relations, leur gestion de la situation. Confinés, parfois pris au piège dans leurs galeries souterraines, ils doivent faire face à la pression des supérieurs, de l’attente, de l’ennemi, de leurs pratiques culturelles. Pour interpréter ces hommes, un casting parfait dirigé de main de maître (comme souvent chez Eastwood). En tête Ken Watanabe, remarquable Tadamichi Kuribayashi. Sobre, une voix posée au phrasé qui donne à la fois de l’assurance et de la douceur à son personnage, il est l’un des atouts majeurs du film. A ses côtés le tout jeune Kazunari Ninomiya signe une prestation toute en finesse qui relègue aux oubliettes son statut de chanteur de boy band japonais. Le tout est baigné dans une esthétique méticuleusement soignée. Les couleurs fanées sont poussées à l’extrême se rapprochant à plusieurs reprises d’un noir et blanc total. Sur des fonds d’une blancheur diaphane, les formes se découpent, les ombres sont amplifiées, les flammes brûlent la cornée. Et lorsqu’un soleil levant emplit le ciel d’un doux rose surplombant une plage de sable noir, il est difficile de douter du génie plastique de Clint Eastwood et Tom Stern. Pour accompagner musicalement l’ensemble, le réalisateur a de nouveau fait appel à son fils, qui signe une magnifique partition au piano prenant à plusieurs reprises des intonations orientales. Du grand art en route pour les Oscars.
En savoir plus
Fervent opposant aux affrontements entre le Japon et les Etats-Unis, Tadamichi Kuribayashi s’est vu imposer le commandement de la défense de l’île d’Iwo Jima. Certain de perdre, il a finement étudié les tactiques américaines afin de causer le plus de pertes possibles chez l’ennemi. La bataille ne se déroulerait pas lors du débarquement sur la plage, mais sous terre. Vingt mille soldats cachés dans des galeries, des grottes, attendant sans aucun ravitaillement l’arrivée à leur portée des bataillons adverses, chacun d’entre eux ayant pour mission de tuer dix Américains avant de mourir. Le corps de Tadamichi Kuribayashi n’a jamais été retrouvé, on suppose qu’il s’est suicidé par seppuku.
Le scénario de Lettres d’Iwo Jima se base sur les lettres de Tadamichi Kuribayashi à sa famille, publiées dans Picture Letter of Commander and Chief. Ecrit dans un premier temps en anglais, il a été traduit et adapté en japonais, langue quasi exclusive de ce long métrage.