Les Trois Mousquetaires - D'Artagnan
France, 2023
Scénario : Mathieu Delaporte, Alexandre de La Patellière d'après Les Trois Mousquetaires
Avec : Vincent Cassel, François Civil, Romain Duris, Louis Garrel, Eva Green, Pio Marmaï
Photo : Nicolas Bolduc
Durée : 2h01
Sortie : 05/04/2023
Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle… dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, une poignée d’hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France.
TOUS POUR UN...
Quiconque a vécu la déception des tentatives de grandes adaptations du patrimoine français du début des années 2000 devrait trouver terriblement réjouissant de voir la première partie de ce diptyque tiré de l’œuvre d'Alexandre Dumas. Le film n'est pas sans défauts mais les petits plats ont indéniablement été mis dans les grands et l'entreprise, qui respire le sérieux, impose le respect. Si l’on se doutait qu'il n'y aurait aucune faute de goût similaire à celles qui pullulaient dans Belphégor, Vidocq ou Arsène Lupin, on pouvait le travail appliqué sans âme façon Les Brigades du Tigre ou Jacqou le Croquant. Mais en lieu et place d'une œuvre de Qualité Française, on trouve un film avec de vrais parti-pris esthétiques et une écriture efficace, même si parfois un peu trop.
Dès l'entrée en matière, le ton est donné. Avec son image aux teintes brunes et froide, et sa première scène d'action sous la pluie, l'introduction n'est pas sans rappeler celle du Pacte des Loups, un film fragile mais sans doute l'exemple le plus réussi en la matière, optant pour cette même influence du western, qu'il s'agisse des fusillades (ça se tire dessus à tout bout de champ dans Paris et alentours comme s'il s'agissait du Far West) ou bien des costumes, dont l'anachronisme est assumé. Martin Bourboulon dit ne pas avoir visé le réalisme mais la vraisemblance et le film travaille par conséquent une iconographie qui correspondrait davantage à l'image idéalisée, fantasmée que l'on pourrait se faire de l'époque et des personnages. Comme la saleté qui semble recouvrir tout cet univers, de la gueule des acteurs aux rues qu'ils parcourent, cette démarche ancre l'ouvrage dans une certaine réalité. La mise en scène épouse également cette approche, avec beaucoup de caméra à l'épaule - peut-être un poil trop - dans l'action qui colle souvent aux basques de D'Artagnan. L'urgence et la nervosité avec laquelle Bourboulon filme les duels confère là aussi une véracité à des chorégraphies que l'on a l'habitude de voir plus élégamment mises en avant. Le cinéaste cite The Revenant comme influence et c'est plutôt un modèle original pour remettre au goût du jour un genre devenu poussiéreux. Le reste du temps, la forme parvient également à ne jamais sentir la naphtaline, à ne jamais s’appesantir dans ces décors de palais et cathédrales.
Rien ne s'appesantit jamais d'ailleurs et c'est probablement le principal défaut du film. L'adaptation par Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patellière prend évidemment nombre de libertés avec le matériau d'origine, inventant de nouvelles scènes ou trames et mêlant à l'intrigue des événements historiques qui ne figurent pas dans le roman et se débrouille plutôt convenablement avec la structure épisodique de l'intrigue sérielle de Dumas. Le récit est mené tambour battant, le rythme ne relâche jamais, mais l'on regrette par conséquent que l'écriture n'accorde pas plus de temps à la camaraderie du quatuor central. Parce qu'il n'y a aucune fausse note dans le casting. Ils sont instantanément charismatiques et attachants et le premier tiers, relatant leur rencontre et leur association, reste ce qu'il y a de plus réussi et d'entraînant. Par la suite, ils sont trop souvent séparés, pas au complet, et c'est dommage. Aramis et Porthos en pâtissent particulièrement, devenant assez vite des personnages secondaires qui n'existent que peu. La romance entre D'Artagnan et Constance apparaît également quelque peu précipitée. Le film est très plot-driven et manque un peu de vie. Toutefois, l'ensemble est plutôt bien incarné par un contexte politique correctement vulgarisé. On ne dirait pas non à une hypothétique version longue. En tout cas, on a hâte de voir la deuxième partie.