La Rumeur

La Rumeur
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Rumeur (La)
The Children's Hour
États-Unis, 1961
De William Wyler
Scénario : John Michael Hayes, Lillian Hellman
Avec : Audrey Hepburn, Shirley MacLaine
Photo : Franz Planer
Musique : Alex North
Durée : 1h43
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur
  • La Rumeur

Dans une petite ville de province, deux amies Karen Wright et Martha Dobie dirigent une institution pour jeunes filles, aidées par Lily, la tante de Martha, une ancienne actrice excentrique. Fiancée au médecin Joe Cardin, Karen a du mal à s'engager et à laisser à Martha la direction de l'école. Mary, une élève insolente et menteuse, alors qu'elle a été punie, lance la rumeur que les deux professeurs ont une relation "contre-nature". Elle commence par le raconter à sa grand-mère...

LE BRUIT ET LA FUREUR

Blacklistée de la fin des années 40 au début des années 60, la dramaturge américaine Lillian Hellman compte, parmi ses pièces les plus célèbres, Les Innocentes, The Children's Hour en version originale, relatant l'histoire de deux institutrices à qui l'on prête une relation "contre-nature". Ecrite dans les années 30, la pièce ne tarde pas à être adaptée pour le grand écran. William Wyler est à la barre. Mais le code Hays ne permet pas, alors, d'aborder frontalement un thème aussi épineux que l'homosexualité, et Ils étaient trois (le titre de cette adaptation) déplace le problème: la rumeur porte sur une liaison que l'une des institutrices aurait eu avec le compagnon de sa collègue et amie. Plus commode. Une vingtaine d'années plus tard, un remake est en projet. Wyler se charge de cette nouvelle version et deux stars sont embauchées: Audrey Hepburn, que Wyler a révélée quelques années plus tôt avec Vacances romaines, et Shirley McLaine, qui vient de triompher chez Billy Wilder avec La Garçonnière. Ainsi débute le détournement - derrière ses apparences de mélo à stars, La Rumeur fera, cette fois, moins de courbettes et d'entrechats pour éviter de parler des choses qui fâchent.

Pourtant, tout ou presque tient encore du non-dit, du sous-entendu, à l'image de ce qui se passe sur le plateau. Dans le documentaire The Celluloid Closet, consacré à la représentation de l'homosexualité dans le cinéma hollywoodien, Shirley McLaine indique que le sujet n'était jamais réellement abordé avec l'équipe, qu'aussi étrange que cela puisse paraître des années plus tard, on ne parlait pas d'homosexualité lors du tournage. Comme si les secrets et chuchotements du film étaient également ceux du plateau. La rumeur, elle, ne fait qu'enfler. Elle se sent et se voit partout à l'écran. C'est sur cette tension dramatique, au crescendo étouffant, que William Wyler base son film, tension qui tient d'ailleurs plus du thriller que du mélodrame, ombres inquiétantes et voisins venus épier les ogresses. Les racines théâtrales sont là mais Wyler sait en jouer, joue avec son décor oppressant dont on ne sort qu'occasionnellement, joue avec ses comédiens en paratonnerres de luxe.

D'Audrey Hepburn, on a souvent une image plus lisse, plus limitée aussi, mais, de La Rumeur à Seule dans la nuit, il y a une autre comédienne, aux choix qui ne s'arrêtent pas aux couronnes de poupées. Face au feu de Shirley McLaine, Hepburn impose une urgence intériorisée, qui craquelle peu à peu, comme ce montage saccadé lorsque Karen se précipite vers le pensionnat, habitée par une inquiétude qui plane sans cesse sur le film. Wyler confronte ses comédiens dans ses plans de cocotte minute, exploitant la profondeur de champ où l'on passe son temps à se tourner le dos ou se parler de biais comme aux plus grandes heures des clips d'ABBA. La rumeur se souffle à l'oreille, s'avoue le regard ailleurs, mais on aura bien du mal à contempler son reflet, droit dans les yeux. Le désir, sali par la médisance et le tapage, est d'autant plus incommunicable. Une vilaine rumeur peut-elle détruire ce qui est beau ?, demande alors la bande annonce. La destruction est pourtant déjà là, avec cette histoire d'amour tue et enfermée dans son placard, étouffée par les bonnes moeurs. L'issue ici, vu le thème et l'époque, paraît alors presque téléphonée, silence enfin fait après le bruissement incessant, colporté par une gamine jouant comme une possédée et apportant au film, aussi poignant qu'angoissant, une lumière quasi-gothique.

par Nicolas Bardot

Commentaires

Partenaires