Jellyfish
Akarui Mirai
Japon, 2003
De Kiyoshi Kurosawa
Scénario : Kiyoshi Kurosawa
Avec : Tadanobu Asano, Tatsuya Fuji, Jô Odagiri
Durée : 1h32
Sortie : 03/12/2003
Yuji et Mamoru sont deux amis qui travaillent dans la même usine. Ce dernier, dont le style de vie est quelque peu bohème, possède une méduse, objet de la fascination de Yuji. Lorsque Mamoru est arrêté pour meurtre, il lui demande de s’occuper de sa méduse jusqu’à l’acclimater à l’eau douce pour la lancer dans les égouts de Tokyo.
QUI VA GARDER MA MEDUSE CET ETE?
Chaque année à Cannes, il émerge de la sélection un mouton noir qui voit tous les fusils se diriger vers ses tremblantes oreilles. La méduse de Kurosawa y a en tout cas laissé quelques filandres. Jellyfish, bien que raté, n’est pas totalement dénué d’intérêt. Avant tout si l’on s’intéresse au tracé de l’œuvre de Kiyoshi Kurosawa, réalisateur obsédé par les ombres du futur qu’il prévoit ténébreux, de la ville plongée dans les flammes de Charisma à l’apocalypse sur Terre de Kaïro. Le metteur en scène ajoute une nouvelle variante de sa dialectique de la contamination: après l’arbre à la fois dieu et démon dont les racines pourrissent la ville dans Charisma, le virus tueur d’une secte dans Cure, le net comme autoroute des fantômes dans Kaïro, ce sont maintenant les méduses qui véhiculent sa représentation d’une société japonaise qui vole et roule droit dans le mur. Kurosawa se penche en particulier sur ses jeunes désœuvrés, ceux à qui il est promis un bright future (traduction initiale du titre) dont le rayonnement paraît bien ironique aux yeux du pessimiste réalisateur (à l’image du dernier plan très révélateur). Son Japon sent le bitume mort, et la chair jeune y est désabusée, pataugeant dans son eau noire comme les méduses dans les égouts.
UN FILM A LA MER
Dans chacun de ses films, Kurosawa s’échine à peindre des personnages tentant de poser des ponts de communication, cherchant parfois à intégrer un cercle, souvent en vain. Ici, le témoin se passe de main en main (une méduse), les liens se tissent (Yuji et son ami puis Yuji et son père de substitution) mais tout demeure illusion. Les rapports humains se heurtent à l’impossibilité (l’ami est emprisonné, le "père" ne peut rien contre le conflit générationnel) et la méduse stigmatise le manque. Elle est le symbole traditionnel du sexe féminin qui est ici aussi fascinant qu’intouchable, mais aussi l'agent muet du virus qui s'étend sur la ville (et qui donne au film ses plus beaux instants, oniriques et très réussis visuellement). Mais au-delà de la cinégénie des méduses, il demeure une œuvre bien sinueuse si ce n'est brumeuse, et un récit qui s'étend plus que de raison alors que la réflexion de Kurosawa en vient rapidement à sa conclusion. Alors le film boite péniblement vers sa fin, laissant derrière lui une traînée étrange mais bien brouillonne. Jellyfish livre quelques pistes pertinentes mais peu fouillées, tente visuellement mais avec quelques hésitations, et laisse un goût frustrant à la fois d’œuvre inachevée et d'idée mal dégrossie.
En savoir plus
Tatsuya Fuji, qui interprète ici le rôle de Shin-Ichiro, tenait en 1976 le rôle principal de L’Empire des sens de Nagisa Oshima.