J’ai vu tuer Ben Barka

J’ai vu tuer Ben Barka
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Janvier 1966. Dans un meublé parisien, la police découvre le cadavre de Georges Figon, l'homme qui a fait éclater le scandale de l'affaire Ben Barka et ébranlé le pouvoir gaulliste. Comment en est-on arrivé là? Il faut remonter en 1965, lorsque Figon se voit confier la mission de produire un documentaire sur la décolonisation, écrit par Marguerite Duras et réalisé par Georges Franju...

BEN BARKA M’A TUER

Un sujet en or, contenu dans le titre. Des personnages aux petits oignons - en vrac, Duras, Franju, un repris de justice, une poignée de flics, Mehdi Ben Barka et même De Gaulle. Un casting de premiers et seconds rôles fort appréciable - Berling, Abkarian, Balasko, Léaud, Hadji-Lazaro. Coupons court à tout suspens: J’ai vu tuer Ben Barka n’arrive pas un instant à la cheville de ses luxueuses ambitions. Fiction historique de "qualité française", le nouvel opus du réalisateur de L’Affaire Marcorelle est un film complexé, cumulant les écueils comme on fonce dans un mur. Premier complexe, de taille, celui de l’antiquaire. Bouffé par son souci de vérisme, rendu vain par excès de pointillisme, J’ai vu tuer Ben Barka joue la carte du détail certifié: unes de journaux placées en évidence entre les mains des figurants, archives télévisées, voitures d’époque, décorum lustré, lunettes de raton-laveur de Marguerite Duras… Tout est à dater au carbone 14, tout est vrai, et tant pis si la moustache de Berling se décolle, ou si sa cicatrice factice a de faux airs de lombric. Les acteurs, forcément, en pâtissent: Balasko est bien grimée, mais Duras est absente; le charisme de Léaud nous aimante toujours, mais son Franju désespère; sous son maquillage, Berling, lui, n’existe carrément plus; Amalric passe sans prendre le temps de s’arrêter - et on passera sur Fabienne Babe, absolument désastreuse en grue flavescente.

LA BIBLIOTHEQUE DE L’ANTIQUAIRE

Le deuxième complexe, du bibliothécaire, en est un corollaire: incapable de lever le nez de sa documentation, Le Péron compile les faits, tente de faire rentrer au chausse-pied, dans des dialogues déjà bien chargés d’un mauvais argot estampillé sixties, une masse indigeste d’informations. A chaque personnage son name-dropping de bon aloi, sa pique spirituelle à l’encontre des politiques du moment, rendue inoffensive car noyée dans le flot informationnel continu et son jazz cache-misère afférent. Guindé par son cahier des charges, le scénario tente de retrouver du souffle en cédant aux sirènes d’un chapitrage en trois parties, censé rompre la linéarité de la trame. Mauvaise pioche: en réservant toute l’action ou presque à son dernier acte, le film nous perd dans ses interminables digressions gloseuses, ses fausses pistes gratuites et son manque de rigueur dramatique. Gâchis du mois, naphtaliné à outrance, J’ai vu tuer Ben Barka aurait sans doute davantage sa place à Grévin.

par Guillaume Massart

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