Iron Man 3
États-Unis, 2013
De Shane Black
Scénario : Shane Black, Drew Pearce
Avec : Paul Bettany, Robert Downey Jr, Gwyneth Paltrow, Guy Pearce
Photo : John Toll
Musique : Tyler Bates
Durée : 2h10
Sortie : 24/04/2013
Tony Stark, l’industriel flamboyant qui est aussi Iron Man, est confronté cette fois à un ennemi qui va attaquer sur tous les fronts. Lorsque son univers personnel est détruit, Stark se lance dans une quête acharnée pour retrouver les coupables. Plus que jamais, son courage va être mis à l’épreuve, à chaque instant. Dos au mur, il ne peut plus compter que sur ses inventions, son ingéniosité, et son instinct pour protéger ses proches. Alors qu’il se jette dans la bataille, Stark va enfin découvrir la réponse à la question qui le hante secrètement depuis si longtemps : est-ce l’homme qui fait le costume ou bien le costume qui fait l’homme ?
MARK III
Rares sont les franchises qui parviennent à transformer l'essai du troisième épisode, notamment dans le genre du film de super-héros, où les chapitres concluant les trilogies sont souvent les plus faibles (Blade Trinity, X-Men - l'affrontement final, Spider-Man 3 pour ne citer que les plus récents), et ce n'est là qu'un seul des nombreux défis que devait relever Shane Black en s'attelant à la tâche. Comment suivre The Avengers, tant au niveau du spectacle que dans l'écriture des personnages? Comment se réapproprier la franchise et apposer sa patte sur un blockbuster à 200 millions de dollars lorsque l'on n'a qu'un seul long métrage en tant que réalisateur à son actif? Fort heureusement, après Joss Whedon, lui aussi plus réputé pour ses dialogues que pour sa mise en scène, le choix de Marvel s'avère une fois de plus judicieux, et Black remporte le pari haut la main. Huit ans séparent Kiss Kiss Bang Bang de son nouvel opus mais le cinéaste revient en pleine forme avec un film remarquable. A l'instar du précédent, on pourra noter un petit ventre mou, dû à l'un des choix qui peut porter à controverse opérés par le scénariste-réalisateur, mais on ne saurait bouder un ouvrage au contenu si riche. Dans le ton, le propos ou l'action, Iron Man 3 s'impose sans doute comme le plus dense des films de l'univers Marvel. Et surtout 100% Shane Black.
BLACK IS BLACK
En surface déjà, on décèle nombre de détails qui sont autant de renvois de Black à sa propre filmographie. Une fois de plus situé à Noël, le récit ne cesse de faire des clins d’œil par le biais des décors de certaines séquences d'action à L'Arme fatale (l'attaque par hélicoptère de la maison sur une falaise) ou L'Arme fatale 2 (le final sur les docks, avec la même scène impliquant un gros container). Évidemment, on retrouve le goût du bonhomme pour le buddy movie, comme en témoigne ce deuxième tiers qui n'est pas sans rappeler Last Action Hero, les échanges dignes du Dernier samaritain, ou ce dernier acte porté par un duo d'antagonistes à la Kiss Kiss Bang Bang. Cela dit, avant toute chose, c'est l'approche générale du film et du genre qui portent la marque de l'auteur, par le biais de l'auto-dérision quasi-permanente. Il suffit de voir comment, en près de 20 ans, ses scripts ont évolué, flirtant de plus en plus avec la comédie, voire le second degré, semblablement salutaire pour apporter le recul nécessaire à un genre aux formules éculées (et Black assume d'avoir recours aux mêmes astuces scénaristiques à base de kidnapping comme il y en a dans tous ses films).
La couleur est (littéralement) annoncée dès les premières secondes, sur le logo Marvel, par un choix musical à l'extrême opposé des morceaux d'AC/DC qui ouvraient les deux premiers films. Et ce n'est pas le choix le plus iconoclaste que fait Black vis-à-vis de l'univers ou des personnages. Le traitement du Mandarin, LA némesis d'Iron Man, risque d'en faire décrocher certains... Le résultat est amusant mais peut-être un peu trop grossier dans l'exécution. Toutefois, la décision s'inscrit totalement dans la démarche générale, réflexion sur le cinéma d'action, ainsi que dans l'un des propos du film - et de la trilogie - qui n'a de cesse de montrer le Mal au sein même de l'Amérique. A dire vrai, Aldrich Killian (interprété par Guy Pearce) est un hybride d'Obadiah Stane (Jeff Bridges dans le premier film) et Justin Hammer (Sam Rockwell dans le second), soit à nouveau une sorte d'ersatz rival de Tony Stark, mais Black parvient à ne pas trop être redondant, substituant l'inévitable baston de mec(s) en armure Vs. mec(s) en armure des deux premiers films par une proposition beaucoup plus inventive. L'utilisation d'EXTREMIS dans le film pourra également demander un léger saut de foi de la part du spectateur, tant on verse directement dans ce que les comics peuvent avoir de plus "genre", quelque part entre la science-fiction et le fantastique pur. On pourra tiquer mais difficile de nier l'alternative qu'offre par là même Black à une saga qui se répétait déjà au bout de deux films.
L'ARMURE FATALE
Cependant, la proposition la plus épatante du film reste tout ce que Black fait de l'armure d'Iron Man. Ce troisième volet est sans aucun doute possible celui où le potentiel de l'armure est le mieux exploité, et pas uniquement dans les scènes d'action. Celles-ci se font absolument sidérantes par le nombre d'idées dans l'utilisation de toutes les capacités de l'armure : défensives, offensives, protectrices... Black regroupe (et dépasse!) tout ce que l'on a pu voir l'armure faire dans les deux films de Jon Favreau ainsi que dans le Whedon. Tous ceux qui avaient vu la première série animée Star Wars - Clone Wars de Genndy Tartakovsky, où les capacités de la Force étaient exploitées à leur maximum, s'étaient réjouis d'apprendre que l'animateur allait contribuer aux storyboards des scènes d'action d'Iron Man 2. Mais c'est ce film-ci qui témoigne du même genre d'inventivité vis-à-vis de ce que le super-pouvoir d'Iron Man permet. Et le climax, malheureusement spoilé par les affiches et les bandes-annonces, n'en parlons même pas, c'est la folie. Si Shane Black s'arrêtait là, ce serait déjà énorme. Mais ce qu'il fait de plus pertinent encore avec l'armure, c'est qu'il en fait presque un personnage, notamment dans tout le premier tiers du film.
Les précédents films Marvel souffraient aux yeux de beaucoup de leur obligation à se construire vers The Avengers. A présent, on est débarrassé de ces contraintes...mais on ne peut pas non plus faire comme si rien ne s'était passé. Déjà, il est nécessaire de tenir compte des événements maousses de cet illustre prédécesseur pour être un minimum crédible (et à ce niveau, le scénario gère très bien le fait que cette menace n'appelle pas à être gérée par quelqu'un d'autre que Tony Stark/Iron Man), mais surtout, il faut en assumer les conséquences. A ce titre, Iron Man 3 est une vraie suite de The Avengers. Les deux films de Favreau s'intéressaient à un homme arrogant qui changeait pour s'assurer que son héritage ne serait pas celui d'Oppenheimer (référence proposée à Robert Downey Jr. par Shane Black pour le premier Iron Man, soit dit en passant) et celui de Whedon montrait l'égocentrique apprendre à se sacrifier pour autrui. Par conséquent, c'est un Tony Stark un peu moins "connard" que l'on retrouve dans ce troisième film, et, fort heureusement, avec une toute autre problématique et donc un tout nouvel arc pour le protagoniste. Le deuxième chapitre de ses aventures avait déjà abordé la dépendance de Tony, non pas à l'alcool, mais à son armure, et ce film plonge de plein fouet dans cette thématique, faisant de l'armure quelque chose de presque vivant, autonome, un double nuisible, tantôt la manifestation d'un cauchemar, tantôt un boulet. Le fardeau que Stark se traîne (littéralement) dans une scène qui fait penser à... Glory to the Filmmaker de Takeshi Kitano (!).
I AM IRON MAN
Dans ce film, l'armure revêt un aspect métaphorique, symbolisant le trouble qui hante le personnage, et dont il lui faut à tout prix se dissocier. Tout le film joue sur cette idée, et même dans l'action, c'est ce thème qui gouverne tout, comme en témoigne le climax et sa résolution. C'est aussi cette notion qui fait que, pendant tout le deuxième tiers, Stark est sans son armure. Pendant une demi-heure donc, Black signe un polar '80s où Stark mène l'enquête dans une bourgade paumée du Tennessee. Le temps se fait donc un poil long, non pas que l'armure manque, mais le film perd un peu de sa particularité. Encore une fois, Black procède ainsi afin de mieux servir le protagoniste et son arc, cette nécessité d'apprendre à être sans son armure, dernier problème à guérir pour Stark. A ce titre, l'épilogue pourrait sonner comme la fin du périple du personnage, si ce n'était pour cette dernière réplique, qui renvoie à celle du tout premier film, tout en appelant à de nouvelles aventures comme en témoigne ce "Iron Man sera de retour" piqué à la saga James Bond qui clôt le générique de fin avant l'inévitable séquence post-générique. Un bonus symbolisant les rendez-vous annuels que sont devenus les films de l'univers Marvel. S'ils continuent à se faire aussi foisonnants et intéressants que ce Iron Man 3, réflexion sur un personnage et un genre, le public aussi sera de retour.