I'm Still Here

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I'm Still Here
États-Unis, 2010
De Casey Affleck
Scénario : Casey Affleck, Joaquin Phoenix
Avec : Casey Affleck, Joaquin Phoenix
Photo : Magdalena Górka
Durée : 1h48
Sortie : 13/07/2011
Note FilmDeCulte : *****-
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En 2008, l'acteur Joaquin Phoenix annonce qu'il prend sa retraite du métier et tente sa chance comme chanteur hip-hop. Durant un an, son beau-frère Casey Affleck, armé de sa caméra, documentera au jour le jour sa dépression, son dégoût de la célébrité et ses nombreux revers. Parallèlement, l'ex-acteur à l'apparence négligée entame la tournée de promotion du film "Two Lovers" de James Gray, durant laquelle il crache son fiel contre le show-business et tient des propos incohérents devant les caméras de télévision. Entre les sauteries avec ses amis et ses prestations de rappeur, Joaquin Phoenix, devenu la risée de tout Hollywood, crie son désespoir.

DA HIP HOP WITCH

Rappelez-vous: à la sortie de Two Lovers, on apprenait que son interprète principal, Joaquin Phoenix, décidait d'arrêter sa carrière d'acteur. Un suicide artistique qui faisait d'ailleurs un écho troublant à la scène d'ouverture du film de James Gray. Plus curieux, Phoenix avait alors affirmé son désir de reconversion... dans le rap. Lubie, illumination, gag? I'm Still Here est le documentaire sur cette improbable mutation, filmée par le comédien Casey Affleck, beau-frère de Phoenix. Et on passe d'abord une petite partie de ce vrai/faux doc à se demander ce qui tient du lard ou du cochon, extraordinaire jeu de rôle à la Andy Kaufman ou volonté authentique, se demander aussi comment Affleck et Phoenix vont tenir la longueur d'un film entier quand celui-ci débute par un refrain un rien énervant sur l'errance d'un mec lassé de sa prison dorée. Mais plus I'm Still Here avance, plus il gagne en profondeur, d'abord parce que l'hésitation du vrai et du faux, un peu à l'image du récent Pater de Alain Cavalier, se fait peu à peu secondaire, et que les questions posées dépassent l'enjeu initial frivole de la tartuferie ou non.

Les hommes qui entourent Phoenix, amis ou collaborateurs, jouent beaucoup avec leurs bites - littéralement. A ce jeu potache répond la mise à nu totale de Joaquin Phoenix, sur sa lose, sur l'humiliation géante qu'il traverse (sur la toile, à la télé ou sur scène), mise à nu paradoxale puisque celle-ci pourrait tout aussi bien n'être qu'un masque supplémentaire. Phoenix, d'ailleurs, ne se ressemble même plus, bedaine, barbe et tignasse hirsute en prime, on croirait plutôt voir un frère jumeau de Zach Galifianakis qui n'en aurait pas fini avec sa gueule de bois (et le film n'est pas sans entretenir quelques liens avec la nouvelle comédie américaine). La frontière de la farce est toujours un peu floue, mais c'est aussi quelque chose de propre au show hip-hop: quand Joaquin Phoenix se retrouve aux côtés de Jamie Foxx, ce dernier est-il réellement beaucoup plus crédible quand il se lance dans ses saillies de smack-love déjà parodiques? Mais Phoenix a une street credibility quelque part entre Tony Parker et Koxie, c'est comme ça, et draguer Sean Combs n'y changera rien.

Qui est Joaquin Phoenix? Quelque part, on serait tenté de dire qu'on s'en fout. Mais lorsque le film fait la balance entre l'identité réelle, l'image publique, et l'influence de l'un sur l'autre, I'm Still Here déborde du cadre et devient passionnant. On est alors devant un portrait anamorphosé de Hollywood, du flux permanent et cannibale de buzz, d'avis, de jugements, de sarcasmes, de hordes de haters qui derrière leur ordi détestent tout et tout le monde. En une séquence où les voix s'empilent, I'm Still Here illustre ce capharnaüm, où la moindre greluche s'imagine justicière sur Youtube. I'm Still Here reprend notamment la fameuse interview donnée par le comédien chez David Letterman qui vraisemblablement ne prend pas le nouveau Phoenix au sérieux. Soit! Mais la volonté d'humilier, une certaine mise à mort sont, elles, bien réelles. L'épilogue propose un retour aux sources un peu candide, mais I'm Still Here offre finalement une exploration intérieure beaucoup plus profonde qu'il n'y paraît.

par Nicolas Bardot

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