Il était temps
About Time
Royaume-Uni, 2013
De Richard Curtis
Scénario : Richard Curtis
Avec : Domhnall Gleeson, Vanessa Kirby, Rachel McAdams, Bill Nighy
Durée : 2h03
Sortie : 06/11/2013
À l’âge de 21 ans, Tim Lake découvre qu’il a la capacité de voyager dans le temps... Lors de la nuit d’un énième nouvel an particulièrement raté, le père de Tim apprend à son fils que depuis des générations tous les hommes de la famille maîtrisent le voyage intertemporel. Tim ne peut changer l’histoire, mais a le pouvoir d’interférer dans le cours de sa propre existence, qu’elle soit passée ou à venir... Il décide donc de rendre sa vie meilleure... en se trouvant une amoureuse. Malheureusement les choses s’avèrent plus compliquées que prévu. Tim quitte les côtes de la Cornouailles pour faire un stage de droit à Londres et rencontre la belle et fragile Mary. Alors qu’ils tombent amoureux l’un de l’autre, un voyage temporel malencontreux va effacer cette rencontre. C’est ainsi qu’au fil de ses innombrables voyages temporels il n’a de cesse de ruser avec le destin afin de la rencontrer pour la première fois, encore et encore, jusqu’à ce qu’il arrive à gagner son cœur. Tim se sert alors de son pouvoir afin de créer les conditions idéales pour la demande en mariage parfaite, pour sauver la cérémonie à venir du discours catastrophique du pire des garçons d’honneur imaginable mais aussi pour épargner à son meilleur ami un désastre professionnel. Mais alors que le cours de sa vie inhabituelle se déroule, Tim découvre que ce don exceptionnel ne lui épargne pas la peine et les chagrins qui sont communs à n’importe quelle autre famille partout ailleurs.
THE TIME TRAVELLER'S WIFE
Le troisième film de Richard Curtis en tant que réalisateur, après Love Actually et Good Morning England, est présenté comme une comédie romantique sur fond de voyage dans le temps : Tim (Domhnall Gleeson), à 21 ans, apprend de son père (Bill Nighy) que les hommes de leur famille peuvent voyager dans le temps. Un peu plus tard, lorsqu'il tombe amoureux d'une inconnue, Mary (Rachel McAdams), et qu'un voyage dans le temps lui fait malencontreusement effacer cette rencontre, il fait tout pour la retrouver, puis pour faire en sorte que leur couple démarre du mieux possible. Mais cette partie de love story n'occupe pas la majeure partie du film, et n'est pas non plus la plus réussie. Le choix d'un acteur peu connu - à part pour son rôle de Bill Weasley dans les deux derniers Harry Potter - en rôle principal est en soi un pari intéressant ; mais Domhnall Gleeson, plutôt sympathique au demeurant, ne transcende pas son personnage. Ce dernier est attachant, mais surtout par les événements qu'il traverse plutôt que par sa caractérisation, qui s'avère assez faible.
Mais ce n'est rien comparé aux personnages secondaires, Mary en tête, qui n'ont quasiment aucune épaisseur. Pourquoi Tim aime-t-il Mary - à part parce qu'elle a le visage de Rachel McAdams ? -, pourquoi Mary aime-t-elle Tim ? Qu'est-ce qui les anime, qu'est-ce qui les fait vibrer, quelles sont leurs forces, leurs faiblesses ? Vu l'expérience d'écriture de Curtis, ils ont probablement été richement conçus au départ, mais ce qu'il en reste dans le film ne permet pas d'y voir autre chose que des personnages en 2D servant à illustrer une historiette. La faute aussi à des choix de narration et de montage assez étonnants, qui privilégient une succession de scénettes romantiques et de saynètes comiques, dont chacune a un objectif précis (faire rire / émouvoir / faire pleurer) et qui sont cruellement inégales. Le montage de Mary essayant une dizaine de robes avant de sortir, mettant en valeur l'indécision féminine face à l'exaspération souriante du mari est quelque chose d'assez douloureux à regarder dans un film de 2013.
Le film réussit bien mieux sa mission lorsqu'il en vient à toucher à la question qui, peut-être, est son réel sujet principal (le titre original, "About Time", signifie en effet "Il était temps", mais aussi "Au sujet du temps") : la question du temps qui passe, en particulier dans la relation à la famille, parents, enfants, frères et sœurs. C'est en particulier sur le sujet du deuil que Richard Curtis parvient à émouvoir réellement, grâce aussi à l'interprétation de Bill Nighy, qui est l'un des seuls à faire exister son personnage – mieux écrit que les autres. Ce père dont on ne comprend que tardivement les motivations à ne pas travailler, à jouer au ping pong et prendre le thé sur la plage tous les jours, attachant dès le début, devient finalement l'intérêt principal, et jamais le procédé de voyage dans le temps n'est mieux utilisé que lorsqu'il s'agit de traiter la question du deuil, avec une approche simple mais très efficace, et réellement poignante. Malgré cet aspect positif, la "morale" finale est malheureusement assez mal amenée, et sa simplicité extrême (une version pauvre du carpe diem) touche finalement bien trop à la naïveté pour former une conclusion satisfaisante ou même un brin touchante. Le voyage dans le temps n'aura été finalement utilisé qu'avec un talent limité – et, surtout, avec des "règles" spécifiques particulièrement mal fichues – alors qu'il aurait pu être l'ingrédient susceptible de sublimer cette comédie romantique basique. On retiendra en tout cas bien moins le couple tête d’affiche que la relation père-fils, probablement moins vendeuse, mais pourtant bien mieux scénarisée.