La Grande Aventure Lego

La Grande Aventure Lego
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Grande Aventure Lego (La)
The Lego Movie
États-Unis, 2014
De Phil Lord, Chris Miller
Scénario : Phil Lord, Chris Miller
Avec : Will Arnett, Elizabeth Banks, Anna Faris, Will Ferrell, Morgan Freeman, Jonah Hill, Liam Neeson, Chris Pratt, Channing Tatum
Photo : Barry Peterson, Pablo Plaisted
Musique : Mark Mothersbaugh
Durée : 1h40
Sortie : 19/02/2014
Note FilmDeCulte : ******
  • La Grande Aventure Lego
  • La Grande Aventure Lego
  • La Grande Aventure Lego
  • La Grande Aventure Lego

Emmet, petit personnage banal et conventionnel, que l'on prend par erreur pour un être extraordinaire, capable de sauver le monde. Il se retrouve entraîné, parmi d'autres, dans un périple des plus mouvementés, dans le but de mettre hors d'état de nuire un redoutable despote. Mais le pauvre Emmet n'est absolument pas prêt à relever un tel défi !

WHEN YOU SEE IT...YOU'LL SHIT BRICKS.

Le plus beau compliment que l'on pourrait faire à La Grande aventure Lego, c'est qu'il semble être l’œuvre d'un enfant, mais un enfant surdoué dont l'intelligence n'est égalée que par sa folie. En 2013, les combats de Pacific Rim donnaient l'impression de voir réalisé "en vrai" le jeu imaginé par un gamin, un incroyable spectacle permis par l'imagination la plus débridée. Cette sensation parcourt évidemment l'intégralité du film de Phil Lord et Chris Miller. Une évidence qui n'était pourtant pas aussi acquise. Pour cette improbable adaptation cinématographique d'une marque de jouets, encore plus dépourvue d'une quelconque "intrigue" que Transformers ou Touché coulé, Lord et Miller auraient facilement pu se contenter de pondre un produit calibré, créant une aventure en prenant comme base le monomythe et en y greffant un McGuffin basique. Ils auraient pu en faire une comédie très drôle, avec quelques clins d’œil et références bien senties, pour hisser le tout légèrement au-delà du tout-venant. Oui, ils auraient pu s'arrêter là. Ils auraient pu signer un film conventionnel réussi et ça aurait été très bien. Au lieu de ça, le duo s'est complètement réapproprié le projet et livre une œuvre qui s'inscrit dans la droite lignée de leurs efforts précédents, l'adaptation absurde du livre pour enfants Tempête de boulettes géantes et la transposition consciente de soi 21 Jump Street, deux autres films aux pitches poussifs que le tandem avait su retourner pour mieux en détourner les codes et signer une comédie avec du fond. Ainsi, comme son titre original l'indique, The Lego Movie est une merveille méta - métafilmique, métaludique, métanarrative, métapublicitaire - qui ose être gentiment subversive avec ses origines lucratives et déconstruit - avec des Lego ! - le hero's journey de Joseph Campbell pour mieux servir un propos aussi niais qu'un poster de chaton et toutefois transcendé par une fin touchante au message sain.

SANS BRIQUES, T'AS PLUS RIEN

N'ignorant pas que nombre de spectateurs choisiront bêtement d'approcher le film avec un œil cynique, Lord et Miller ont l'intelligence de placer cette question - "c'est quand même une pub d'1h30 pour la licence de jouets la plus célèbre du monde" - au cœur du film. Le grand méchant, incarné par le Président Business (également appelé Lord Business, comme une entité à part entière), n'est autre que le capitalisme, cherchant à mettre fin au monde via l'uniformisation totale, dissimulé au peuple qu'il divertit par des sitcoms débiles et des chaînes de café surtaxé (sic). Mais la réelle force de Lord et Miller est d'aller encore plus loin que ça. En comprenant le point de vue d'un enfant. Un enfant ne voit pas le mal partout. Un enfant mélange ses jouets quand il joue. Par conséquent, lorsque d'autres célèbres licences, comme les personnages de DC Comics, viennent participer à l'aventure, ce n'est pas du placement de produit, c'est le symbole de l'imagination sans limites d'un enfant. Un choix qui a du sens métatextuel et textuel tant il justifie absolument chaque élément, narratif, thématique, ou esthétique, de cet univers complètement fou à base de crossovers de personnages et de mondes qui n'ont rien à voir. Là réside le message du film, encourageant l'individualisme, véritable ode à la créativité (et peut-être même une attaque du créationnisme, si l'on interprète ce qui est dit des gens qui "suivent les instructions") avec une vision joyeusement optimiste du monde : pas grave si tout est cassé, on peut tout reconstruire. Nul autre jouet ne pouvait se prêter à ce propos, le Lego c'est le potentiel à l'état pur. Tout est possible. Besoin d'un véhicule ? Il suffit de le construire. Besoin qu'il se transforme en un autre véhicule ? Il suffit de l'imaginer.

LEGOCENTRIQUE

D'un point de vue formel, c'est par ailleurs exactement ce qu'ont fait Lord et Miller. Les personnages, véhicules et bâtiments sont en Lego, cela va de soi, mais tout le reste aussi. L'eau, les nuages, le feu, la fumée, tout est fait de briques et de broc, le jusqu'au-boutisme du parti pris esthétique donnant naissance à des visuels absolument sublimes. L'océan en Lego, c'est une merveille de pop art. The Lego Movie a quasi-intégralement été réalisé en images de synthèse mais, contrairement aux dessins-animés et jeux vidéo commercialisés par Lego, l'ouvrage opte pour le photoréalisme absolu (jusque dans les marques d'usure sur les figurines) et le "réalisme" de l'animation (les personnages ne peuvent s'animer autrement que tels que le permettent leurs articulations), allant jusqu'à respecter une relative non-fluidité dans les mouvements, propre à la stop-motion. A l'instar de la performance capture sur Tintin, les réalisateurs ont trouvé la méthode parfaite pour porter à l'écran cet univers. La compagnie Animal Logic (Happy Feet) assure les images générées par ordinateur tandis que Chris McKay (la série parodique en stop-motion Robot Chicken) supervise l'animation. Le meilleur des deux mondes. Et Lord et Miller mettent le tout en scène avec une énergie folle. En interview, les metteurs en scènes avaient décrit le film en disant que c'était "comme si Michael Bay avait kidnappé Henry Selick pour le forcer à réaliser un film". On pourrait dire aussi qu'il s'agirait de la rencontre entre Toy Story et South Park, le film, réalisée par Edgar Wright. On passe la séance le sourire vissé sur le visage comme un bonhomme Lego avant de sentir poindre les larmes devant ces dernières scènes, plutôt inattendues dans ce qu'elles racontent, qui réconcilieront parents et enfants. Tantôt émouvant, tantôt hilarant, toujours aussi entraînant que la chanson débile qui endoctrine ses habitants, ce Lego n'a pas de splendide que sa plastique. Ce Lego est un bijou.

par Robert Hospyan

Commentaires

Partenaires