Fountain (The)
États-Unis, 2006
De Darren Aronofsky
Scénario : Ari Handel
Avec : Ellen Burstyn, Sean Gullette, Hugh Jackman, Mark Margolis, Rachel Weisz
Durée : 1h36
Sortie : 27/12/2006
Espagne, 16ème siècle. Thomas, conquistador, est envoyé par la Reine d'Espagne en pays maya à la recherche de l'Arbre de vie. De nos jours, Tommy Creo, chercheur, expérimente une nouvelle molécule pour guérir le cancer de son épouse, Izzy. Le futur. Installé dans un aéronef, Tom erre dans l'espace à la recherche d'une étrange nébuleuse.
LOVE IS A TEMPLE
Très attendu par les cinéphiles depuis l’annonce du projet en 2002, The Fountain est plus qu’un simple film de cinéma, c’est un poème dédié à l’amour fou, une ode à la passion éternelle. Après deux premiers longs métrages époustouflants de cohérence visuelle et thématique, Pi et Requiem for a Dream, Darren Aronofsky passe encore la vitesse supérieure en signant l’une des plus belles love story de l’histoire récente du septième art. Aucune mièvrerie sentimentale pourtant dans The Fountain, bien au contraire. Aronofsky se frotte à un sujet ô combien douloureux, l’acceptation de sa propre mortalité et de celle de ses proches, la perte d’un être cher et le travail de deuil. Comme pour son précédent film, il choisit une forme opératique et déconstruit son récit. Trois époques se superposent et se répondent: le passé, via la quête d’un conquistador de la reine d’Espagne, le présent dans lequel un scientifique tente de trouver un remède pour sauver la femme qu’il aime et enfin le futur. Mais en bon mathématicien qu’il est, Aronofsky ne perd jamais de vue la rationalité narrative de son songe. Loin de la fumisterie du Blueberry de Jan Kounen, The Fountain est d’une évidente limpidité.
WHO WANTS TO LIVE FOREVER ?
Avec The Fountain, Aronofsky efface les derniers doutes sur son talent. Il est bien un incroyable formaliste aux idées de mise en scène insensées, puisées dans les comic books et les mangas qu’il dévorait adolescent. Trois séquences témoignent de son formidable génie: un fondu-enchaîné sur un corps féminin qui se transforme en tronc d’arbre, le rendez-vous secret du conquistador et de la reine, éclairé par des bougies qui se reflètent à l’infini, la découverte de l’Arbre de vie. The Fountain est à l'origine une superproduction au budget conséquent (90 millions de dollars) qui s’est mué en petite production indépendante. L’art se nourrit des contraintes et avec le tiers de l’argent prévu, Darren Aronofsky s’est concentré sur l’essentiel, la folle histoire d’amour entre Thomas et Izzy à travers les âges. Le duo Hugh Jackman - Rachel Weisz fonctionne à merveille, tous deux forment un couple romantique et charnel à la complicité évidente. Darren Aronofsky n’a pas besoin de long discours pour nous faire comprendre ce qui les unit. Une seule scène suffit: les yeux embués, Thomas savonne tendrement son épouse qui se meurt peu à peu, alors que le thème musical du film se décline à l’infini.
ETERNAL LOVERS
Impossible de dissocier le visuel – époustouflant – de la musique de Clint Mansell. Darren Aronosfky et son compositeur fétiche ont fait appel au groupe écossais Mogwai pour une bande-son omniprésente qui sublime les images jusqu’à la transcendance finale, long trip d’une puissance inouïe, toboggan sensitif qui laisse le spectacle groggy, aux confins de l’extase. On pourrait reprocher au cinéaste de multiplier les symboles religieux et d’avoir puisé à la source des représentations des grands mythes de l’humanité – bouddhiste, catholique et bien sûr maya – pour la création de son long métrage. Mais ce serait lui faire le procès de l’inspiration et ne pas reconnaître, justement, son incroyable capacité à créer une œuvre unique et universelle avec des codes déjà usités. S’il convoque aussi bien 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, Phénix d’Osamu Tezuka, que La Génèse de l’Ancien Testament, il n’abandonne jamais la ligne directrice de son récit. The Fountain n’est pas le film ultime sur la réincarnation ou la vie éternelle mais une belle et simple histoire d’amour mise en images par un poète et un rêveur, un voyage magnifique, audacieux et unique.