Exorciste, au commencement (L’)
Exorcist: The Beginning
États-Unis, 2004
De Renny Harlin
Scénario : Caleb Carr, Alexi Hawley
Avec : Andrew French, Izabella Scorupco, Stellan Skarsgärd, Remy Sweeney, Julian Wadham
Durée : 1h52
Sortie : 17/11/2004
A la fin de la guerre 39-45, le père Merin a totalement perdu la foi. Il est appelé en Afrique du Nord pour enquêter sur les ruines d'une église supposée construite plusieurs siècles avant l'arrivée du christianisme dans cette région.
EXORCISTE DE STYLE
Devant certains ratages, il serait si facile de se contenter d’une accumulation de défauts, juxtaposés les uns à la suite des autres sans se soucier plus que ça de corrections grammaticales ou de déontologie journalistique. Jouons le jeu quelques instants. L’exorciste, au commencement, c’est donc (sans ordre): une image trop léchée pour aboutir à un quelconque dégoût du spectateur; des mouvements de caméra foireux; des hyènes en images de synthèse qui attaquent les "chtites n’enfants noirs" du village; des portes qui claquent toute seules et des ombres qui passent devant la caméra à grand renfort de "chupa-paam-poum-shuit"; un trauma initial du personnage principal comme on en a vu à peu près cent fois par le passé; des dialogues qui tombent systématiquement à plat et n’ont même pas la décence de faire rire, à défaut de faire peur; un poivrot couvert d’acné jaunâtre qui se balade dans le script sans trop savoir ce qu’il y fait; un final twist à la "C’est Emile le tueur" comme Hollywood night n’oserait plus en faire; un exorcisme final perpétué à partir du manuel L’Exorcisme pour les nuls; une bataille entre l’armée anglaise et les indigènes, se limitant à une douzaine de péquenots qui passent et repassent devant la caméra en hurlant des "houyouyou et des "arrrgh, j’ai mal"; des hectolitres de sang ajoutés un peu au hasard des scènes sans trop de lien avec ce qui suit ou qui précède… Mettons ça sur le compte des producteur (on connaît la genèse catastrophique et douloureuse du film), mettons ça sur le compte de Renny le viking, mettons ça sur le compte de qui on veut. Le fait est que cette liste est rigoureusement authentique et malheureusement pas exhaustive. Alors?
EXORFIST-FUCKING
Pour comprendre réellement où se situe l’erreur du film, il faut remonter aux sources de l’épisode originel réalisé il y a plus de trente ans par William Friedkin, auquel Harlin renvoie souvent par de "subtiles" allusions. Retour en arrière, L’Exorciste est à la base un film déceptif se reposant moins sur les effets habituels inhérents au genre que sur une terreur sourde et intime. Au-delà des plans les plus connus et des jets de vomi, Friedkin décrivait la dislocation d’une famille monoparentale dans laquelle l’être aimée, l’enfant, se transformait peu à peu en un monstre inhumain. Le film posait la question suivante, source d’une angoisse inconsciente et terrifiante: que faire lorsque l’enfant devient méconnaissable? Incroyable métaphore qui trouve ses fondements dans des archétypes horrifiques parmi les plus intelligents jamais utilisés (introduction du mystique, meurtres et auto-flagellation, etc.), ainsi que dans un conditionnement du spectateur passant de l'état de doute à celui de croyance. De tout cela, il ne reste rien dans le film de Harlin. Vulgaire slasher décousu basé sur une succession de scènes choc liées n’importe comment, le film est en opposition constante avec le reste de la série (malgré leurs limites, les tomes 2 et 3 de la série se situaient dans la continuité du premier épisode), échouant totalement à impressionner de manière viscérale le spectateur. Adieu la caméra à l’épaule et le montage haché de Friedkin, adieu le sensationnalisme visuel et poétique de Boorman, adieu l’angoisse plus classique mais proche du thriller de Blatty. Harlin fait fi de tout ça et livre un épisode pitoyable dans lequel il démontre une totale incompréhension du mythe et de la raison pour laquelle celui-ci a obtenu un tel succès. C’est triste, mais ô combien prévisible.
En savoir plus
Le film L’Exorciste 4 a tout d’abord été réalisé par Paul Shrader (après le décès de John Frankenheimer), à la grande joie des fans de la série, ce cinéaste étant tourmenté depuis toujours par les questions morales et religieuses. Le film terminé, les producteurs lui demandèrent d’ajouter ici ou là quelques gouttes de sang, estimant que le cinéaste jouait trop sur la suggestion et la psychologie. C’est finalement Renny Harlin (Driven, Au revoir à jamais, 58 minutes pour vivre) qui a été engagé pour tourner les scènes additionnelles. Au fur et à mesure du tournage de ces scènes, c’est un nouveau film complet qui a été réalisé, avec de nouveaux acteurs et un nouveau scénario. Il existe donc deux versions complètes de ce film, et celle pour le moment invisible devrait se trouver sur le DVD, en bonus de la version de Harlin. A noter que le dossier de presse du film ne fait à aucun moment mention de cette histoire… C’est dire l’honnêteté de l’entreprise.