Ennemi naturel (L')

Ennemi naturel (L')
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Nicolas Luhel, jeune lieutenant de police judiciaire, débarque à Plouescat, une localité du Finistère Nord. La justice veut éclaircir les circonstances de la mort d'un adolescent, précipité de la digue du port voisin. La mère du garçon accuse son ex-mari, Serge Tanguy, d'être l'auteur du crime. Mais le mobile de l'infanticide demeure obscur. La violence du drame, la sauvagerie des paysages, la solitude... l'ambiance où baigne jour et nuit Luhel va bientôt réveiller en lui angoisses et pulsions inconnues. Fragilisé par le suicide du témoin principal, il se laisse contaminer par la trouble fascination qu'exerce Tanguy sur son entourage...

CORPS A CORPS

Le premier film de Pierre-Erwan Guillaume ressemble à son parcours de scénariste (du pire - France Boutique, A ce soir - au meilleur - Haut les cœurs!): inégal. Faux polar teinté d'un humour noir rappelant, de loin et dans ses meilleures passades, l'ironie sombre du coréen Memories of Murder, L'Ennemi naturel se fait une place au centre du palmarès scénaristique du jeune cinéaste, aux côtés du bancal mais intriguant Stormy Weather. La comparaison avec l'inabouti film insulaire de Solveig Anspach n'est pas anodine. La recette, narrative et esthétique, y est la même: impressionnants panoramas marins révélant les corps, fougues physiques tendant à l'excès, personnages borderline aux failles exposées, et trame secondaire (ici un whodunit factice dont on devine l'issue trop tôt). Les atours calmes et lancinants que nous attribuions au mélo islandais d'Anspach sont ici repassés par Guillaume, qui une fois encore s'attache d'abord à capter états d'âmes et paysages, plutôt qu'à rentrer vraiment dans une histoire en laquelle il ne croit que partiellement. Inachevé, le script hurle sa singularité, parfois à bon escient (superbes nuits américaines numériques sur une mer ensoleillée), parfois en boursouflure injustifiée, telle cette prothèse pénienne alourdissant l'entrejambes d'un Aurélien Recoing pourtant déjà massif et imposant. De même, Jalil Lespert, notamment dans la première partie, avant que l'exploration psychologique balourde ne lui fasse perdre pied, campe avec justesse un jeune inspecteur gauche et peu diplomate. Mais la fascination virile phallique qui s'ensuivra et les vapeurs sensuelles attenantes convoquées par Guillaume gâchent ces beaux personnages, en flirtant davantage avec le grotesque qu'avec le trouble. Intéressant cependant, ce premier film fait au final autant de promesses qu'il suscite de craintes. La suite nous dira ce qu'il fallait y lire.

par Guillaume Massart

En savoir plus

L'autre centre d'attraction fort de L'Ennemi naturel tient dans le second rôle féminin, tenu par la toujours plus prometteuse Florence Loiret-Caille, jeune révélation brute du Chignon d'Olga, croisée chez Haneke, Jacquot et Claire Denis, et dont la maturité nuageuse, façon Ludivine Sagnier en brune et ténébreuse, fascine toujours davantage. Une étoile montante à suivre avec attention.

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