Ennemi intime (L')
France, 2007
De Florent Emilio Siri
Scénario : Florent Emilio Siri
Avec : Marc Barbé, Albert Dupontel, Benoît Magimel, Aurélien Recoing, Vincent Rottiers
Durée : 1h48
Sortie : 03/10/2007
Algérie, 1959. Les opérations militaires s'intensifient. Dans les hautes montagnes kabyles, Terrien, un lieutenant idéaliste, prend le commandement d'une section de l'armée française. Perdu dans une guerre qui ne dit pas son nom, il va découvrir qu'il n'a comme pire ennemi que lui-même.
ONLY IN FRANCE
Rarement évoquée au cinéma, sujet tabou en France, le spectre de la Guerre d’Algérie était déjà réapparu l’an dernier dans deux films de petite envergure, La Trahison de Philippe Faucon et Mon colonel de Laurent Herbiet. En associant Florent Emilio Siri, réalisateur de thrillers tels que Nid de guêpes et Otage, et Patrick Rotman, spécialiste du conflit (co-réalisateur de La Guerre sans nom, documentaire de Bertrand Tavernier, scénariste de Nuit noire, 17 octobre 1961) qui adapte ici son propre livre, le projet promettait un film qui saurait rivaliser avec ses meilleurs équivalents d'outre-Atlantique. Combien de fois le cinéma américain a-t-il revisité avec succès son propre fantôme, la Guerre du Viêt Nam? Malheureusement, le résultat n’est pas à la hauteur des attentes. Le film est visuellement très soigné. Jamais il ne semble lorgner vers la charte graphique du genre instaurée par Il faut sauver le soldat Ryan, ou même celle des films sur la Guerre du Viêt Nam. Dès la première scène, Siri évite la facilité consistant à adopter un code couleur qui rappellerait immédiatement l'Algérie. Non, c'est sur un bleu nuit troublant que s’ouvre le film, en une séquence nerveuse où l'on retrouve bien la patte de l’auteur, très bon metteur en scène d'action, pour insuffler de la tension à ses images. La photographie une fois de plus superbe de son fidèle chef opérateur Coltellacci n'en finit pas de sublimer avec originalité le cadre sans jamais tomber dans l'aisance d'un sépia ou d'un délavé, bien qu’il flirte évidemment un peu avec ces tons, communs aux films de guerres récents. Ces choix se fondent dans la démarche du réalisateur, qui déclare avoir voulu faire dans l'absolu un film sur "la guerre" en général. Seulement, c’est là aussi que le bât blesse. Au niveau du scénario, la Guerre d'Algérie paraît ici interchangeable avec n'importe quelle autre guerre vue au cinéma.
S.P.E.C.T.R.E.
Le scénario, bâti selon Rotman sur une multitude de témoignages, ne fait qu'accumuler les poncifs du genre, tant au niveau des personnages archétypaux que des scènes stéréotypées. Le point de vue formel a beau s’avérer plutôt original, sur le fond, le peu de discours que le film se permet demeure malheureusement très, très scolaire. On sent bien trop l’opinion "actuelle" sur une guerre vieille de presque cinquante ans. Au-delà, le film n’avance rien de particulièrement intéressant sur cette part "cachée" de l'Histoire. On pouvait s'attendre par exemple à des scènes de torture vraiment dérangeantes et révélatrices de ce conflit spécifique mais au final, elles restent trop lisses, bien peu parlantes. C'est d’autant plus dommage qu'il y a nombre de scènes fortes dans le film. Certains détails, comme ce garde au nez et lèvres coupés ou cette espèce de ville-fantôme que traversent les soldats à un moment, confèrent à l'ambiance une aura surnaturelle par moments, fantastique, comme pour illustrer un passé oublié mais qui hante toujours le présent. On retiendra également une attaque au napalm et ses conséquences, mémorables. Quelques essais réussis perdus dans un scénario très didactique, quand il ne se fait pas bordélique (dans le dernier acte). L’Ennemi intime est un bel effort, mais on n'y est pas encore. Il est admirable d'avoir tenté un film historique qui puisse être au moins agréable à regarder dans la forme, voire "divertissant" (à défaut d’un meilleur terme) mais on ne tient pas encore LE film sur la Guerre d'Algérie.