Le Drôle de Noël de Scrooge
A Christmas Carol
États-Unis, 2009
De Robert Zemeckis
Scénario : Robert Zemeckis d'après le roman de Charles Dickens
Avec : Jim Carrey, Gary Oldman, Robin Wright
Photo : Robert Presley
Musique : Alan Silvestri
Durée : 1h36
Sortie : 25/11/2009
Parmi tous les marchands de Londres, Ebenezer Scrooge est connu comme l'un des plus riches et des plus avares. Ce vieillard solitaire et insensible vit dans l'obsession de ses livres de comptes. De tous les jours de l'année, celui que Scrooge déteste le plus est Noël. L'idée de répandre joie et cadeaux va définitivement à l'encontre de tous ses principes ! Pourtant, cette année, Scrooge va vivre un Noël qu'il ne sera pas près d'oublier...
GHOST OF CHRISTMAS PAST
A l'annonce du projet, le fan était lui aussi comme visité par un Fantôme des Noëls Passés venu nous renvoyer quelques années en arrière au souvenir du Pôle Express, précédente escapade du genre pour Robert Zemeckis, loin d'être des plus convaincantes. Seulement, malgré les pathétiques tentatives de racolage publicitaire des distributeurs français, derrière ce titre ridicule se cache une adaptation fidèle de l'œuvre de Dickens qui n'a pas grand chose à voir avec le livre pour enfants de Chris Van Allsburg porté à l'écran par le cinéaste en 2004. Après l'excellent La Légende de Beowulf, on avait envie d'y croire mais les bandes-annonces ont tôt fait d'annihiler les quelques espoirs du public, semblant témoigner d'un film se résumant à une série de montagnes russes sans grand rapport avec le matériau de base. Il n'en est rien. S'il y a bel et bien des scènes qui ressemblent aux affreuses affiches placardées de-ci de-là, elles se limitent globalement à ce que l'on a pu apercevoir dans la promo. Le reste fait état d’un film autrement plus atmosphérique, loin du film pour gosses vendu partout, et n’hésitant pas à s’aventurer dans les zones sombres du roman de Dickens. Si le film ne fera rien pour convaincre les réfractaires à la technologie de la performance capture, devenue désormais coutumière chez Zemeckis, il demeure néanmoins une réussite.
WHAT LIES BENEATH
L’ouvrage n’est cependant pas exempt de bémols. Autant l’on peut comprendre l'envie d'offrir un spectacle en IMAX 3D visant à apporter un petit plus à une retranscription autrement respectueuse du livre, avec des séquences d'envol à travers Londres qui sont indéniablement vertigineuses, autant l’on accepte moins l'incursion d'éléments de comédie dans certaines scènes, qui sonnent vraiment comme des concessions à un plus grand public. Fort heureusement, ces scènes prennent, cumulées, en tout et pour tout environ 10 minutes de film. Ne se laissant pas parasiter outre-mesure, le récit s’inscrit le reste du temps dans une ambiance sombre et soignée qui traduit à la perfection les thèmes et le ton parfois lugubre du roman, grâce au travail effectué sur la lumière et la direction artistique, absolument splendides. Dans le ton, le film est à mi-chemin entre Le Pôle Express et La Légende de Beowulf mais se rapproche plutôt du second que du premier. Les séquences avec les Fantômes sont tout simplement énormes. Et flippantes. Qu'il s'agisse du Fantôme des Noëls Passés, avec son côté faussement innocent et éthéré ou de l'imposant Fantôme des Noëls Présents et surtout la fin de son segment, véritable cauchemar surréaliste qui s'inscrit sans doute parmi ce que Zemeckis a fait de plus puissant, et évidemment le Fantôme des Noëls Futurs, ombre spectrale purement horrifique...
BACK TO THE FUTURE
Cette illustration fidèle et envoûtante d'un classique de la littérature, une histoire connue de tous mais toujours aussi efficace, avait de quoi attirer l’auteur, obsédé par la figure du double (Jim Carrey joue Scrooge mais également les trois Fantômes) mais surtout par celle du personnage coincé dans le temps ou "décoincé", non-assujetti aux lois du temps, et par la transformation et rédemption que vit le protagoniste au travers de ce voyage temporel. L’acteur abat d’ailleurs un boulot formidable. On notera clairement un côté très poussif dans les performances (tout comme dans le design des personnages, volontairement plus cartoonesques que photoréalistes cette fois-ci), quant à l'animation, la véracité qui lui manque est compensée par celle qu’apporte la 3D. Le film est évidemment suffisamment efficace pour garder de l'intérêt et de la force lorsqu'il sera vu en 2D mais on ne saura jamais assez insister sur la nécessité de le voir en 3D, pas juste pour les séquences de grand huit mais justement pour cette valeur ajoutée à l'adhésion du spectateur. Si vous cherchez encore, cinq ans après, une justification au parti-pris de Zemeckis avec cette technique, ce n'est pas ce film qui vous l'apportera. Par contre, ne vous fiez pas au marketing, Le Drôle de Noël de Scrooge est très loin de se limiter à ce qu'en montrent les bandes-annonces. Parcouru de petites perles (le premier plan, la scène de Scrooge enfant, la rencontre avec Belle), le film parvient à être entraînant, épatant, effrayant et même émouvant par moments.