Dédales

Dédales
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Dédales
France, 2003
De René Manzor
Scénario : René Manzor
Avec : Frédéric Diefenthal, Michel Duchaussoy, Edouard Montoute, Thomas Sisley, Sylvie Testud, Lambert Wilson
Durée : 1h40
Sortie : 10/09/2003
Note FilmDeCulte : ***---

Arrêtée à la suite d’une série de meurtres, Claude est internée dans un hôpital psychiatrique. Elle est confiée aux soins du docteur Brennac, qui a pour mission de délier les personnalités multiples qui occupent l’esprit de cette patiente.

3615 CODE DISNEY

La carrière de René Manzor, composée principalement d’épisodes de séries télé (dont le très beau Verdun de la série Young Indiana Jones), mais seulement de quatre longs-métrages, a de quoi laisser perplexe. Partagée entre une imagerie volontairement naïve tirant vers le merveilleux, elle est aussi capable d’accoucher d’un véritable chef d’œuvre dès lors que ce côté "disneyien" est confronté à l’horreur la plus pure en la personne d’un Père Noël assassin. Epuré à l’extrème, acerbe, 3615 Code Père Noël constituait une magnifique critique de cette société de consommation qui faisait d’un petit génie un enfant trop gâté par une éducation monoparentale. Scénario linéaire, mise en scène carrée, le film avait conduit la critique à comparer René Manzor à John Carpenter, dont les films et les thématiques ne sont en effet pas si éloignés. Depuis ce coup d’éclat (précédé du mythique Passage, nanar honnête, sincère et inventif, bercé par la voix de Francis Lalanne, frère du cinéaste), plus rien. Quelques projets à Hollywood, notamment pour George Lucas, un conte sympathique dont la principal originalité reste les effets spéciaux réalisés par des illusionnistes directement sur le plateau (Un Amour de sorcière), un scénario au ton original pour Antoine De Caunes (Monsieur N)… Autant de preuves de la problématique que constitue la personnalité du cinéaste, mal intégré à un cinéma français qui ne permet pas l’épanouissement d’un talent tel que le sien.

TESTUD 1, DIEFENTHAL -1

Avec ce Dédales, le problème reste entier. Film aussi schizophrénique que la carrière du réalisateur, ce thriller alterne les scènes magnifiques (principalement dès que Testud, dont le jeu à vif constitue une expérience inédite pour elle, est à l’écran), avec d’autres proches des plus mauvais moments du pitoyable Six Pack, déjà joué par le mono-expressif Frédéric Diefenthal, qui gâche encore ici certaines scènes. Evoluant dans un scénario bi-temporel, réparti entre deux histoires séparées de quelques jours, les personnages virevoltent et mettent en doute tout le film, le plaçant systématiquement sur la brèche, au bord du grotesque. Partagé entre le ridicule le plus évident (Manzor n’a réalisé que quatre films en vingt ans et il garde logiquement les tics d’étudiant en cinéma) et la maîtrise la plus totale de la pellicule, le cinéaste parvient à livrer son premier véritable film adulte, celui qui marque le point de départ d’une nouvelle carrière dans laquelle le merveilleux n’a plus droit de cité. Seules certaines scènes trop naïves - notamment celles filmées à travers des filtres bleus représentant les visions du profiler Diefenthal - peuvent rappeler qu’un jour, Manzor a filmé Delon courant au ralenti sur une plage, mais le film en soi reste un monument de noirceur, sublimé par la photographie terne de Pal Gyulay et par la direction d’acteur du cinéaste. Sorti indemne d’un scénario alambiqué marchant légèrement sur les plates bandes d’un Fight Club, Manzor parvient à garder la tête haute. Il n’est pas exclu qu’il refasse un jour un très grand film.

par Anthony Sitruk

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